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Redessan 2024 : Bilan du 10ème Festival de cinéma argentique en plein air

25 août 2024
Festival de Redessan 2024 : Bilan de la 10e édition horizontale
© Festival de Redessan

L’an dernier, lors de notre découverte enjouée de ce Festival gardois, nous avions pris soin d’être le plus synthétique possible sur ce qui forge l’âme de cette célébration cinéphile en quatre temps et en plein air, qu’il s’agisse de l’extraordinaire parcours de Jean-Paul Boyer, de la préciosité de son travail de préservation de notre patrimoine cinématographique, et du travail entrepris par l’association locale pour rendre hommage chaque année à son travail. En conséquence, on ne répétera pas ce qui est déjà acquis.

Malgré le charme, une certaine inquiétude

En revanche, si se replonger dans le passé est une garantie qui ne disparaît pas durant ces quatre jours (la nostalgie fait toujours un bien fou), le premier sentiment global de cette édition-anniversaire fut mine de rien une certaine inquiétude. Inquiétude face à la rareté toujours plus accentuée de ce type de projections (« Rien n’est fait pour que cela perdure. Toutes les copies argentiques coûtent une fortune à stocker dans des conditions particulières de température, c’est très encombrant et très lourd », confiait il y a peu le projectionniste Anthony Meynadier au journal Midi Libre). Inquiétude pour cause de vacances d’été et de Jeux Olympiques monopolisant toute l’attention des gens et des médias (la fréquentation allait-elle être aussi forte que d’habitude ?). Inquiétude devant les aléas imprévisibles de la météo qui peuvent parfois conditionner à eux seuls la bonne tenue d’un tel événement – un bel orage et de fortes pluies ont hélas fait tomber à l’eau la projection argentique du tout-numérique "Zodiac" de David Fincher le deuxième soir. Inquiétude – plus relative celle-là ! – devant les petits aléas techniques inhérents à ce type de projection (changements de bobine, coupures brutales, sous-titres manquants, pellicule détériorée…), sur lesquels on relativise volontiers en se disant que tout le charme vient de là (ceux qui ont été biberonnés aux fameuses salles de quartier ou au diptyque "Grindhouse" de Quentin Tarantino et Robert Rodriguez, suivez mon regard…). Et au final, c’est bien le charme – second sentiment global de cette 10ème édition – qui a gagné aux points.

Force est de constater qu’une fois de plus, le seul festival français à proposer quatre séances uniques en 35mm dans les conditions de projection de l’époque a rempli ses objectifs. Ses deux fondateurs Aurélien Colson et Benoît Baillet ont su rester fidèles à l’esprit initial du festival. Offrir d’abord une ambiance chaleureuse et conviviale en amont de chaque séance, via une exposition de vieilles voitures d’époque, une restauration à la bonne franquette, un stand de librairie proposant de nombreux beaux livres en lien direct avec les films projetés [NDR : les accros au cinéma de David Fincher avaient ici de quoi se réjouir !] et un concert de musique live avant le coucher du soleil. Replonger ensuite le spectateur dans le passé via un assemblage d’archives et d’actualités diverses, histoire d’inaugurer la séance de façon nostalgique mais aussi humoristique. Savourer enfin un grand film de cinéma sous le ciel étoilé, avec en plus un léger et agréable vent pour tancer les fortes chaleurs estivales.

Une soirée consacrée à Louis de Funès, issue du vote des adhérents

Le festival a d’ailleurs frappé fort dès le premier soir en inaugurant les festivités de la meilleure de façons par une soirée consacrée à Louis de Funès. Le vote des adhérents de l’association ayant parlé il y a quelques mois, c’est donc le cultissime "Fantomas" d’André Hunebelle qui fut projeté dans une très belle copie argentique. Aujourd’hui, que peut-on dire de réellement pertinent sur ce film ? Peut-être simplement que ses innombrables rediffusions télévisées n’en ont pas altéré l’aura ni le charme.

Quand bien même on peut continuer à reprocher la même chose au film (le second degré de cette adaptation très libre du roman de Marcel Allain et Pierre Souvestre a fini par supplanter totalement le premier degré de l’œuvre originale), rien n’y fait, on se régale toujours de la précision millimétrée des cadres et des décors (le repaire de Fantomas est ici gage d’une atmosphère quasi fantastique), de la voix inquiétante de Raymond Pellegrin, de la tonicité d’un Jean Marais très Bébel dans l’âme question cascades et charisme, de la beauté XXL de Mylène Demongeot (plus belle actrice de l’époque aux côtés de Claudia Cardinale, ça ne se discute pas !) et bien évidemment d’un Fufu toujours aussi hilarant dès qu’il s’agit de transformer son commissaire Juve en pile électrique montée sur ressorts !

Tout cela mis en boîte par un vrai artisan du cinéma d’exploitation (Hunebelle se revendiquait comme tel), qui ne cherchait pas à révolutionner quoi que ce soit mais à livrer un travail solide et fédérateur, ce qui est bel et bien le cas.

Un succès total autour du mystère "La Piscine"

Histoire de faire oublier une deuxième soirée très arrosée pour les raisons que l’on a évoquées plus haut (mais malgré tout sauvée par un chaleureux concert musical sous le patio), la troisième soirée fut un succès total. Plein soleil d’abord et plein d’étoiles ensuite pour savourer une exceptionnelle copie 35mm de "La Piscine" de Jacques Deray. Avec, en plus, un invité de marque : ni plus ni moins que Luc Larriba, journaliste de cinéma et auteur du meilleur livre illustré sur le film de Deray, qui aura eu l’honneur d’introduire ce film solaire à un public qui, en grande majorité, ne l’avait jamais vu. On imagine la joie, et peut-être aussi la surprise, de tous ceux qui s’attendaient sinon à une romance caniculaire entre deux stars planétaires, en tout cas à un pur thriller sur fond de passion.

Pour notre part, on considèrera que le statut culte de ce film provient surtout de sa faculté à brouiller les pistes avant, pendant et même après le temps de sa projection. Réduire "La Piscine" à l’aura sensuelle propagée par son quatuor d’acteurs luxueux (Alain Delon, Romy Schneider, Maurice Ronet, Jane Birkin) a de quoi paraître réducteur, tant ceci n’a jamais suffi à faire un film. Le percevoir comme un thriller en plein soleil (à l’image du film éponyme de René Clément où Delon démarra sa carrière avec un rôle pas si éloigné de celui-là) semble même insuffisant. Parler du film en évoquant ad nauseam sa fabrication fait même presque disque rayé, tant on n’y trouve rien de neuf sur son mystère.

En fait, on vient de lâcher le mot : ce film est un mystère. Et tout tient dans ce que suggère son titre : une surface bleutée, opaque et miroitante sur laquelle toute tentative d’y projeter ou d’y percevoir quelque chose tourne à l’échec dès lors qu’elle se trouble. Qu’on le regarde comme une romance contrariée, un huis clos tendu comme un string, un lent suspense amorçant le retour des pulsions passionnelles ou même un documentaire sur son propre tournage (les retrouvailles de l’ancien couple Delon/Schneider), "La Piscine" ne cesse jamais de nous échapper et grave simplement dans notre cortex des images inoubliables et fantasmatiques dont chacun peut dès lors disposer à sa guise. Un très grand film qui n’appartient plus à celui qui l’a créé mais à celles et ceux qui le recréent à mesure qu’ils le (re)découvrent.

Une conclusion avec Frank Capra

Il est de bon ton de dire que le cinéma de Frank Capra, au-delà de l’idéalisme qui n’a jamais cessé d’habiter le bonhomme, invite à davantage de recul sur les aléas toujours plus pénibles de l’existence, au point d’apparaître comme un élixir de joies et d’utopies diverses aux yeux du cinéphile. On ne mentira pas en disant que le film choisi pour clore le festival avait un peu valeur de signe du destin. Si les impondérables ont pu avoir lieu durant cette 10ème édition, autant clôturer les festivités par un regain d’euphorie qui fait tout relativiser avec le sourire. Ce que "Vous ne l’emporterez pas avec vous", peut-être le film le plus « fou » de son auteur, n’a pas manqué de laisser exploser aux yeux d’un public hilare les trois quarts de la projection.

S’il y avait à redire sur l’état très abîmé de la copie, l’ambiance fut très animée et la joie contagieuse tout au long de cette inimitable fable sociale, grande gagnante des Oscars en 1938, qui combine tous les thèmes chers à Capra (la quête du bonheur, la nocivité de l’argent et du pouvoir, la solidarité entre les individus…) à travers une galerie de doux-dingues incarnant les valeurs sociales et morales que le cinéaste a toujours défendues. Qu’importe que la solide scénographie du bonhomme soit quelque peu supplantée par la force de persuasion du propos (certes énoncé par le biais quasi exclusif des dialogues), ce grand classique hollywoodien fait toujours un bien fou et n’a pas pris une ride.

A noter que cette projection fut précédée d’un joli petit cadeau : ni plus ni moins qu’un petit court-métrage d’animation signé Jean-Paul Boyer himself, "Un Martien à Paris", qui laisse transparaître l’incroyable imagination comique de ce grand artiste à qui l’on continuera de rendre hommage d’une année sur l’autre. On a déjà noirci le début d’août 2025 sur notre agenda !

Infos pratiques sur le site de l’association : https://www.boyer-cinema.fr/

Guillaume Gas Envoyer un message au rédacteur
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