Joaquin Phoenix
Carrure imposante, charisme indéniable, philtrum mythique, Joaquin Phoenix est immédiatement reconnaissable, son talent l’érigeant également membre du club des plus grands acteurs de sa génération. Suivant un parcours atypique, cet homme sensible, profondément mal dans sa peau, a su combattre ses troubles pour se transformer au fur et à mesure de ses rôles marquants.
Né Joaquin Rafael Bottom le 28 octobre 1974 à Porto Rico, le futur comédien va connaître une enfance particulière. Troisième enfant d’une famille en comprenant cinq, ses parents étaient membres de la secte Les enfants de Dieu, dont la mission consistait principalement à apporter la parole aux communautés hippies, tâche impliquant de nombreux déménagements pour le jeune garçon. Mais après des affaires de prostitution soupçonnant les fondateurs de ce groupement, la famille décida de couper tout contact et s’installa quelque temps au Venezuela, dans des conditions extrêmement précaires, où pour manger, ils devaient parfois voler de la nourriture. Au bout de quelques temps, les parents, n’arrivant plus à vivre dans un tel environnement, décidèrent de ramener toute la maisonnée en Californie. Ils ont alors de grands projets pour leurs enfants : ils deviendront acteurs. Signe de cette résurrection, ils changent de nom pour Phoenix, et transportent leurs enfants dans tous les studios d’Hollywood pour qu’ils enchaînent les castings. Introverti et réservé, Joaquin se retrouve, dès l’âge de 8 ans, à arpenter les différentes sociétés de production à la recherche d’une carrière précoce.
Dans l’ombre de son frère River, à la beauté incandescente, qui voit sa carrière déjà exploser, le bambin a plus de mal à s’exprimer devant la caméra, sa timidité reboutant nombreux directeurs de casting. Il apparaît ainsi dans la série de son frère « Seven Brides for Seven Brothers », puis dans « Arabesque ». Apparaissant dans différents feuilletons et séries, il trouve la première fois un rôle au cinéma avec « Spacecamp » suivi de « Russkies ». Mais son premier rôle significatif est celui de Jimmy, adolescent manipulé par une femme mariée décidée à se débarrasser de son mari, interprétée par Nicole Kidman, dans la comédie noire de Gus Van Sant, « Prête à tout ». Sa prestation saluée par la critique lui ouvre des rôles plus adultes, notamment un gérant de sex-shop dans le thriller « 8mm » et un fiancé violent dans « U-Turn » en 1997. Si le jeune homme connaît un beau succès, les tournages sont toujours aussi difficiles pour lui. Ne pouvant se regarder à l’écran, se trouvant toujours mauvais, l’acteur a besoin de se donner à corps et âme dans ses rôles, adoptant des méthodes proches de l’Actor’s Studio pour s’identifier pleinement à ses personnages. Sur le plateau, il se fait ainsi appeler par le nom de son double à l’écran, sa personnalité s’effaçant littéralement durant quelques semaines.
L’année 2000 va être le tournant dans sa carrière. « The Yards » où il interprète un ancien ami de Mark Wahlberg qui vont se retrouver en conflit sanglant, marque sa première collaboration avec celui dont il deviendra la muse, James Gray. Et son interprétation de l’empereur Commode, face à un Russell Crowe déterminé à se venger, lui offre une notoriété internationale, de nombreuses récompenses ainsi qu’une nomination aux Oscars. Le comédien confirme avec « Quills, la plume et le sang », de Philip Kaufman, dans le rôle d’un abbé directeur d’un asile. Les propositions affluent sur son bureau, l’acteur va alors accepter de jouer dans des registres très variés de la comédie noire « Buffalo Soldiers » à la superproduction de M. Night Shyamalan, « Signes ». Après avoir retrouvé ce dernier pour « The Village » et s’être pris pour un pompier dans « Piège de feu » aux côtés de John Travolta, l’acteur charismatique se lance dans le biopic avec « Walk the line ». Dans ce métrage de James Mangold, Joaquin Phoenix devient Johnny Cash avec une précision déconcertante, apprenant même la guitare et interprétant les différentes chansons du film lui-même.
Lessivé par sa prestation époustouflante, l’acteur va s’éloigner des plateaux quelques temps, le temps d’oublier complètement l’ombre du chanteur décédé qui plane sur lui. C’est pour James Gray, avec le polar tourmenté « La nuit nous appartient » où la guerre entre mafia et flics est parfaitement secondée par une tragédie familiale saisissante, que Joaquin Phoenix retrouve le cinéma. Mais ses interprétations successives l’épuisent de plus en plus, et l’idée de tout envoyer balader n’est jamais loin. Après le sensible « Two lovers », romance intense refusant les artifices, de son ami James Gray, l’acteur caméléon annonce son retrait du monde du cinéma pour se consacrer à la musique. En réalité, il s’agit d’un faux documentaire, « I’m still here », de Casey Affleck, qui montre un Joaquin Phoenix hirsute, violent, et s’enfermant de plus en plus dans une dépression. L’illusion est parfaite, les médias se font avoir par ce faux récit, l’ancien beau-gosse s’étant complètement transformé en raté alcoolique aux tendances autodestructrices. Si le résultat n’est pas à la hauteur des attentes, en particulier dans la réflexion promise sur le métier d’acteur et la réalité de l’industrie hollywoodienne, la prestation du comédien est saisissante, sa méthode d’acteur atteignant ici son paroxysme.
Après deux ans, il revient ainsi au cinéma plus conventionnel dans la nouvelle réalisation du très prestigieux Paul Thomas Anderson pour « The Master » où il campe un vétéran de guerre alcoolique tombant sous le joug d’un gourou, rôle de composition permettant une nouvelle fois de démontrer tout son talent, et son aisance à se réinventer sans cesse. Après avoir une énième fois tourné sous la direction de James Gray pour « The Immigrant », on retrouve l’acteur dans le rôle-titre de « Her » sous la houlette de Spike Jonze. Dans ce drame romantique d’anticipation, où un homme tombe amoureux d’un système d’exploitation, l’aura de Joaquin Phoenix est superbement capturée par le réalisateur, nous offrant une expérience sensorielle lumineuse, où l’émotion est palpable à chaque instant dans ce coup de foudre atypique.
Symbole des acteurs exigeants, choisissant méticuleusement ses rôles pour ne plus tomber dans cette routine qui le consumait jadis de l’intérieur, Joaquin Phoenix est aujourd’hui considéré comme un des plus grands comédiens, dont la carrure lui permet de jouer aussi bien des rôles physiques que des prestations tout en retenue. Malgré son statut de sex-symbol, il a gardé cette même timidité qui le caractérisait plus jeune, incapable de se regarder à l’écran tant il ne voit que ses défauts de jeu. Éternel insatisfait et perfectionniste, le comédien marque chacun de ses films de sa présence charismatique. Et il est à fort à parier que ses prochaines aventures cinématographiques seront autant réjouissantes.
Le saviez-vous ?
Joaquin Phoenix est végan : il ne consomme ni ne se vêt d'aucun produit d'origine animale. Il a ainsi posé pour une affiche luttant contre l'utilisation de fourrure d'origine animale, et il également l’un des porte-parole de l’association People for the Ethical Treatment of Animals (PETA).
Filmographie sélective
2014 : Vice caché, de Paul Thomas Anderson
2013 : Her, de Spike Jonze
2012 : The Immigrant, de James Gray
2012 : The Master, de Paul Thomas Anderson
2010 : I'm Still Here, de Casey Affleck
2008 : Reservation Road, de Terry George
2008 : Two Lovers, de James Gray
2007 : La nuit nous appartient, de James Gray
2005 : Walk the Line, de James Mangold
2004 : Le Village, de M. Night Shyamalan
2004 : Hôtel Rwanda, de Terry George
2004 : Piège de feu, de Jay Russell
2003 : It's All About Love, de Thomas Vinterberg
2003 : Frère des ours, de Bob Walker et Aaron Blaise
2002 : Signes, de M. Night Shyamalan
2001 : Buffalo Soldiers, de Gregor Jordan
2000 : Gladiator, de Ridley Scott
2000 : The Yards, de James Gray
2000 : Quills, la plume et le sang, de Philip Kaufman
1999 : 8 millimètres, de Joel Schumacher
1998 : Loin du paradis (Return to Paradise), de Joseph Ruben
1997 : U Turn, ici commence l'enfer, d'Oliver Stone
1997 : Les Années rebelles, de Pat O'Connor
1995 : Prête à tout, de Gus Van Sant
1989 : Portrait craché d'une famille modèle, de Ron Howard