THE ISLAND
Un grand film d’action… aux traits politiques prononcés
Michael Bay nous avait habitué à des films d’actions décérébrés, à l’humour fortement masculin (Bad boys), ou au schématisme et patriotisme frisant l’insupportable (Armageddon, Pearl Harbor). Le revoici, sans Jerry Bruckeimer à la production, et avec un film ébouriffant et bourré d’évocations politiques concernant l’esclavage, les camps de concentration, l’aliénation de l’homme et les divertissements de masse.
Car quoi de plus symbolique que cette loterie, qui garde chacun en attente d’un lendemain, forcément meilleur. Sorte de jeu pour détourner les foules des vrais questions, elle permet, comme le travail abrutissant qui est donné aux survivants ou les soirées arrosées, de ne pas se poser les vrais questions : qui sont ceux qui dirigent le système, ou qui fournit ses vêtements que l’on porte ? Balançant au passage quelques mandales au gouvernement Bush, le scénario fait aussi preuve d’un humour plutôt détaché et réfléchi, qui fait souvent mouche.
Si l’installation de la situation et des personnages, fait découvrir un monde qui évoque certains mondes aseptisés vus dans d’autres films (Gattaca, 1984), la forme bascule lorsque les deux héros découvrent la vérité, et s’enfuient. S’en suit une course poursuite comme on en a rarement vu. Sa durée totale, qu’on peut estimer à plus de 45mn, laisse le spectateur haletant et chancelant. Car après le train, le camion, c’est au tour des motos volantes puis d’un logo d’immeuble de se mêler du destin de nos deux fugitifs, tentant de retrouver leurs modèles originaux dans le vrai monde. Michael Bay prouve une nouvelle fois de plus son sens de l’orchestration visuelle, à base d’accidents, crashs, chocs frontaux et vitesse.
Entre crédibilité des réactions humaines, côté commanditaires, prêts à tout pour survivre, comme côté des hommes d’affaires qui gèrent des humains comme des produits, et action à tout craint, le scénario a su tout de même trouver un équilibre, qui tient en haleine un spectateur avide de liberté. La sortie du bunker, en plein désert, avec ses prises de vue d’hélicoptère, comme les changements brusques dans les tons de couleurs, du lumineux au gras cuivrés, puis aux grands paysages ocres, donnent sans conteste le tournis.
On n’a alors plus qu’à s’accrocher aux basques de ce couple d’acteurs prometteurs et séduisants en diable, et à ne pas trop s’attacher à un placement de produit un peu trop visible (quoique malin, avec l’utilisation de la pub Calvin Klein, tournée par la vraie Scarlett Johansson), pour être aspiré par ce tourbillon sensoriel qu’est The Island. Troublés par les parallèles avec la pèche (on crochète les humains pour les capturer), ou les chambres à gaz (on détruit les « produits »), on pourra aussi s’interroger sur des questions de clonage et d’éthique, sujet central du film. Une réussite, dont les pays européens se feront un plaisir de porter aux nues, contrairement au public américain, qui a boudé le film.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur