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PAIN NOIR

Un film de Agustí Villaronga

Pauvreté et compromission

Catalogne, années 40. Un jeune garçon voit son père obligé de fuir vers la France, alors qu’il risque d’être accusé du meurtre d’un autre homme du village. Sa mère, désormais contrainte à faire un maximum d’heures en plus à l’usine, l’envoie alors vivre chez sa grand-mère…

« Pain noir » s'ouvre sur une scène d'une violence rare, qu'on croirait tout droit sortie d'un roman de Dumas, ou d'un récit moyenâgeux. Le propriétaire d'une carriole, tirée par un cheval, est brutalement assassiné, achevé à coups de pierre, par un mystérieux assaillant encapuchonné, et son attelage est précipité du haut d'une falaise. Dedans, un enfant tente de se cacher, et sans un cri, s'écrase lui aussi de par le fond du précipice. Les scènes suivantes révéleront que les temps ne sont finalement pas si reculés, et que nous sommes dans les années 40, quelques années après la guerre civile espagnole (1936-1939), dans un village reculé de Catalogne.

Le ton est donc donné, et le caractère miséreux de l'Espagne franquiste, sera ensuite dépeint avec minutie, toutes les solutions étant finalement bonnes pour sortir de la misère. Il en sera de même des tensions internes aux villages, entre gardes civiles au pouvoir et habitants supposés opposants, voire « rouges ». Sans réelle tension, « Pain noir » nous livre une vision réaliste d'un pays affamé, où le mépris des uns n'a d'égal que la pauvreté des autres, mais où les belles idées, les discours sur l'intégrité et la liberté (portées ici par de lourdes paraboles sur des oiseaux en cage, élevés par le père) finiront par se heurter à un quotidien des plus rudes.

L'une des réussites du film de Agustí Villaronga, lauréat de 9 Goyas (dont meilleur film espagnol de 2010), est de construire à la fois un conte enfantin des plus noirs, tout en dépeignant l'entourage nauséabond d'une famille qui n'aspirait qu'au bonheur de leur fils. D'un côté, « Pain noir » adopte rapidement l'aspect d'un conte initiatique, grâce aux contacts du personnage principal avec une bande de gamins pas si naïfs, dont une jeune fille à la main « morte » qui lui apportera ses premiers émois, et autour de la mystérieuse légende d'un fantôme vivant dans une grotte. De l'autre, le scénario nous propose la description détaillées d'une communauté et de familles déchirées, aux mains d'un maire autoritaire (Sergi Lopez) et d'une influente famille de riches, et des comportements humains qui vont de paire.

Si les uns sont fiers de ne rien avoir, ou veulent marcher la tête haute, c'est l'esquisse de la vie privée des riches qui finit par frapper, tant elle semble vide. Leurs intérieurs sont en effet représentés comme désespérément silencieux, loin du brouhaha de tout enfant, de toute vie, au travers de quelques travellings avant aux riches décors. Si le terrible récit qui nous est donné à voir confrontera le jeune héros du film à d'épouvantables vérités, tout comme à un terrible choix, le scénario confirmera cependant que l'éducation, à laquelle il ne tournera jamais le dos, fermant au final derrière lui la porte d'une classe, semble la seule issue face à la pauvreté. On ne peut, encore aujourd'hui, qu'être d'accord avec cela.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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