A BETTER TOMORROW
3 frères
Hynk et Chul sont deux jeunes frères nord-coréens cherchant à fuir le régime en place. Aspirant à vivre dans la Corée du Sud, les frères jusque là inséparables, ainsi que leur mère, tentent de passer la frontière, lorsque la police les rattrape. L’aîné parvient à s’extirper de cette situation et se trouve confronté à un terrible choix : le devoir de tenter de sauver sa famille ou l’opportunité de fuir libre. C’est ainsi qu’il prend alors la lourde décision de s’échapper.
Des années se sont écoulées, Hynk fait partie maintenant d’une équipe de trafiquants d’armes dirigée par Young-Chen, leader charismatique et protecteur. Traumatisé par les faits de son enfance, et aidé par un ami policier, il n’a de cesse de vouloir retrouver la trace de son jeune frère. Et c’est ainsi qu’un jour, cet ami appréhende un coréen du Nord, ayant tenté d’émigrer au sud et répondant à la description de Chul…
Sortie en DVD et Blu-ray le 4 juillet 2012
«Moo-juk-ja» est une comédie dramatique intelligente ; et contrairement à certains de ses concurrentes asiatiques, elle ne tombe pas dans le mélo-explicite. Au contraire, elle se veut complexe : dès les premiers instants, le spectateur enchaîne un mélange de scènes introduisant tour à tour les personnages clefs et secondaires de l’histoire. Difficile de s’immerger totalement, mais l’atmosphère et les premiers échangent piquent, transpercent même notre curiosité, poussant ainsi notre patience à dépasser ses propres limites.
Puis le film embraye et passe la seconde lorsque tout bascule pour chacun des personnages, avec des retrouvailles, des déchirements et de la haine. Le film adopte également une vitesse de croisière lorsque trois ans supplémentaires se sont écoulées. Les mentalités des protagonistes s’inversent, s’échangent et se mélangent. Un vrai bonheur, car cela nous permet de redécouvrir en quelque sorte de nouveaux personnages et de suivre leur évolution. Notons que les enchaînements se font de manière fluide et sans lambiner sur les petits détails.
Song Hae-Sung nous impose ici un style qui a du chien et nous propose un scénario bien ficelé. Il s’agit d’un remake du film hongkongais «Le syndicat du Crime» («A better tomorrow» également en anglais), du célèbre John Woo qui lui donna un deuxième volet puis un troisième réalisé par Tsui Hark (producteur des deux premiers). Et pour le coup, ce remake, «Moo-juk-ja» est une réussite totale (ou presque) dans l’art d’émouvoir et d’entraîner le spectateur dans une bataille émotionnelle entre 3 frères (deux de sang et un symbolique) en quête de reconnaissance fraternelle réciproque. À l’instar des années 80, où les films du genre et de cette région étaient plus axés sur l’action type gunfight, ici le réalisme et la maturité sont prépondérants.
Les scènes d’action, peu nombreuses - mais suffisantes, sont réussies, les dialogues intelligents et les mots justes : le film ne tombe jamais dans le « blablabla » ni même dans les longs silences presque catholiques propres à certains films asiatiques. Sa force également, est de faire travailler le spectateur, le faire réfléchir au pourquoi du comment et l’amener à s’interroger sur le déroulement futur des événements: l’implicite. Ce dernier d’ailleurs, ne se sent pas pris « pour une buse » et cela fait du bien. Tout du moins, jusqu’aux dernières minutes du film, lorsque Song Hae-Sung a cru bon de dévoiler certains sous-entendus clefs du films (pourtant parfaitement lisibles), en tombant dans un certain déballage émotionnel entre les frères. Totalement inutile.
Pas très loin de la beauté plastique d’un «The Chaser », rappelant l’émotion d’un «Mother», «Moo-juk-ja» nous épate par sa belle histoire, sa musique toujours en harmonie avec l’émotion transmise et les échanges entre les trois protagonistes. Un beau tour de force et encore une victoire pour le cinéma sud-coréen.
Jean-Philippe MartinEnvoyer un message au rédacteur