MÊME LA PLUIE
Il y a plus important que le cinéma
Le jeune réalisateur Sebastian et son producteur Costa se rendent en Bolivie pour y tourner l’histoire de la conquête des Amériques par Christophe Colomb. Ils décident d’organiser un casting local pour y trouver des figurants à moindre coût. Parmi les candidats, Daniel est remarqué et Sebastian tient à lui faire jouer un rôle déterminant. Très vite, Costa et son réalisateur s’aperçoivent que Daniel mène la révolte du peuple contre la privatisation de l’eau et pourrait mettre en péril le tournage…
Le scénariste attitré de Ken Loach délaisse un peu le réalisateur anglais pour collaborer avec l’actrice / réalisatrice / scénariste madrilène Icíar Bollaín (« Ne dit rien », 2003). Autrement plus original et intense que son « Route Irish » pondu avec son compère, « Même la pluie » est une œuvre au propos puissant qui trouve d’intelligents échos à plusieurs reprises.
Les thèmes s’emboitent admirablement et la réalisatrice parvient à éviter de s’emmêler les pinceaux dans la narration de ce récit de tournage tumultueux, de guerre de l’eau (qui a réellement frappé la Bolivie durant la dernière décennie) et de l’asservissement des amérindiens par Colomb et ses conquistadors espagnols. Ainsi, d’évidents parallèles entre l’équipe de production espagnole venue profiter des somptueux paysages et du coût extrêmement bas des figurants avec les premiers colons d’Amérique Centrale résonneront tout au long métrage. De même, l’opposition entre les motivations contradictoires du producteur et du réalisateur a beau être, pour le moins schématique, elle fonctionne sans problème grâce à des discussions et débats très bien écrits et interprétés.
Sebastian, idéaliste et passionné, déployant des discours humanistes à tours de bras, se retrouve confronté à la tragique réalité économique du pays qui va, pour le coup, chambouler son petit monde. Face à la mise en danger de son projet, le réalisateur va peu à peu privilégier sa pulsion créatrice à ses grands états d’âmes. Costa va, lui, subir le revirement inverse. Là encore, même si ces changements de comportements auraient bénéficié à être mieux amenés, on se laisse encore une fois porter par cette énergie que parvient à déployer la réalisatrice malgré le manque de finesse de sa mise en scène.
Surtout, ce sont les interprétations de Luis Tosar (déjà vu dans « Ne dit rien » ou, plus récemment, dans « Cellule 211 ») et Calos Alduviri qui contrebalancent les quelques invraisemblances et situations manichéennes du film. Gael Garcia Bernal, héritant d’un rôle finalement plus en retrait et moins intéressant se fait d’ailleurs voler la vedette par le reste du casting. Luis Tosar offre une intense dernière demi-heure et confirme tout son talent d’interprète.
Au final, Icíar Bollaín accouche d’une œuvre originale, bien construite, avec des thèmes qui trouvent résonance dans un propos martelé, certes, mais nécessaire. « Même la pluie » agite notre conscience de spectateur et parvient à nous emporter dans ses enjeux jusqu’à la dernière minute.
Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur