LA PECORA NERA
Une douloureuse mise à l'écart
Adapté d'une pièce et d'un roman écrits par le réalisateur - et touche à tout - Ascanio Celesini, "La Pecora Nera" est un film d'une poésie déjantée et touchante, évoquant folie, sainteté et supermarché. On y suit Nicola, un patient interné depuis tout jeune dans un hôpital psychiatrique, toujours accompagné d'un taré lubrique qui ne pense qu'à lécher les femmes et d'une none, grande productrice de gazes. Ensemble, ils vont régulièrement faire les courses dans le supermarché du coin, seule sortie autorisée qu'il ne faut pas manquer. C'est au détour d'un rayon qu'il retrouvera son amour d'enfance, Marinella, devenue vendeuse de machines à café.
"La Pecora Nera" nous berce tout de suite grâce à la voix d'Ascanio Celestini, acteur principal et réalisateur de ce film singulier. Plutôt que de nous présenter Nicola adulte et dans sa condition de malade, Celestini a l'intelligence de nous conter d'abord son enfance. Sur fond de voix-off de l'adulte décrivant ses pensées à l'âge de six ans, les considérations enfantines de Nicola sont narrées avec un ton grave. Le petit s'imagine des raisons farfelues pour expliquer les drames dont il est témoin tels que l'internement de sa mère. Il nous parle de sa peur du noir, métaphore de la folie, ou encore de martiennes venues goûter les humains, ce qui prendra tout son sens par la suite. Cette imagination fertile, qui l'aide à trouver des explications à des situations qu'il ne comprendra que bien plus tard, finit de nous attendrir envers cet attachant patient d'hôpital psychiatrique. La brutalité et la violence de la réalité se mêlent avec amertume à une douce fantaisie innocente.
Le réalisateur construit son récit de manière exemplaire. Il dissémine savamment les indices qui viendront éclairer la raison de l'internement de Nicola au cours d'une séquence révoltante. Bon nombre de ses réflexions candides prendront tout leur sens à ce moment là. Mais "La pecora nera" narre surtout l'histoire d'un amour refoulé entre Nicola, le jeune garçon singulier devenu schizophrène et Marinella, autrefois la jolie petite qui mangea une araignée par défi, devenue aujourd'hui vendeuse de machines à café dans un supermarché. Malgré une tendresse toujours palpable de la part de sa bien aimée, Nicola ne parviendra à pas se détacher de cet hôpital psychiatrique. Il restera finalement à l'écart, malgré ses efforts pour s'intégrer dans le monde des saints d'esprit. Celestini démontre ainsi brillamment que, au final, la différence fait toujours peur aux masses.
Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur