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HAPPY FEW

Un film de Antony Cordier

Deux garçons, deux filles et des tas de possibilités

Rachel travaille dans un atelier de fabrication de bijoux. Lorsqu’elle rencontre Vincent, venu faire un point sur le site internet qu’il conçoit pour l’atelier, le courant passe tout de suite entre eux. Ils se revoient très vite avec leurs conjoints respectifs, dans le cadre d’un déjeuner à quatre où la complicité ne tarde pas à se convertir en désir croisé. Commence alors une véritable relation d’amitié et d’amour, où chacun retrouve régulièrement le conjoint de l’autre, tout en continuant de partager des moments à quatre. Mais deux couples peuvent-ils à ce point tout partager...

Dans son précédent film, “Douches froides”, Antony Cordier mettait en scène un adolescent, capitaine d’une équipe de judo, qui décide de partager sa petite amie avec le fils du coach. Avec “Happy Few”, ce jeune réalisateur pousse encore plus loin la thématique de l’amour échangé, livrant un film à la fois beau et dérangeant, qui pourrait bien faire parler de lui.

Tout commence par une jolie rencontre, très spontanée, entre Rachel et Vincent, qui débouche sur une relation d’amour et d’amitié entre quatre adultes. Bien qu’ils se savent heureux dans leurs couples et dans leurs vies, ils s’abandonnent assez naturellement à un échangisme croisé parfaitement assumé. Cordier passe donc assez vite sur la mise en place de cette nouvelle situation, pour se concentrer sur les moments passés ensemble par les différents personnages. Le film prend alors une tournure intéressante, donnant à voir chaque relation (entre mari et femme, entre mari de l’une et femme de l’autre, entre les deux maris et entre les deux femmes...) dans sa beauté et sa complexité. On n’évite pas les nombreuses scènes d’amour (les acteurs sont nus pendant la moitié du film), mais on assiste à travers elles à la naissance de troublants sentiments humains, qui prennent parfois une tournure inattendue.

L’habileté de Cordier est de réussir à tisser le fil de ces relations croisées sans les rendre trop banales, ni trop tirées par les cheveux. Surtout, il accorde autant d’intérêt à tous les maillons de ce tissu amoureux, donnant à chaque histoire son importance et sa singularité, sans jamais porter de jugement. Il soulève ainsi inévitablement des questions qui nous taraudent tous, à propos du sens de l’amour, de sa durabilité et de son exclusivité. Evidemment, le film est parfois perturbant, parce qu’il met en scène avec beaucoup de grâce et d’esthétisme (cf. les ébats dans la farine que l’on aperçoit dans la bande annonce, summum érotique du film) des êtres qui s’épanouissent dans une polygamie qui donnerait presque envie. Mais les codes qui régissent ces relations, notamment le respect de l’autre et du couple de l’autre, évitent judicieusement l’atmosphère malsaine qu’une telle histoire pourrait véhiculer.

Difficile, enfin, de ne pas être séduit par le quatuor d’acteurs, dont l’interprétation toute en nuance participe largement de la réussite du film. On se réjouit de retrouver Elodie Bouchez au sommet de sa fraîcheur et de sa beauté, après cinq ans de parenthèse hollywoodienne. Marina Foïs et Nicolas Duvauchelle apportent ce qu’il faut de mystère et de retenue. Mais surtout, on est agréablement surpris par la composition de Roschdy Zem, acteur souvent employé pour des rôles bourrins, qui dévoile ici une sensibilité nouvelle.

Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur

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