WOMEN WITHOUT MEN
La poésie du désespoir
C'était notre favori lors du Festival de Venise 2009, un grand choc visuel et une véritable vague d'émotion venue du moyen orient. "Women without men" est un formidable film iranien, à la fois moderne, follement poétique, et désabusé. Il faut dire que l'œuvre, qui a finalement emporté le Lion d'argent pour sa réalisation, séduit autant par son charme plastique que pour son quatuor d'actrices. Si la condition de la femme est toujours au cœur du récit, la mise en scène flirte ici avec le fantastique, dénonçant en voix-off l'éternel cycle de l'espoir, de la trahison puis de la peur. Un cercle vicieux qui a forcement une certaine résonance en ces temps difficiles pour le pays et la liberté de ses habitants.
Le réalisateur place ici intelligemment son récit dans un passé colonialiste, en 1953, avec la prise de pouvoir par le Shah, et dénonce les massacres de manière parabolique, évitant hormis un suicide, de montrer la mort de ses personnages, qui pour certains même, semblent ressusciter. Entretenant volontairement la confusion, multipliant les échappées en dehors de la ville, la réalisatrice réussit à brouiller les pistes et donc les interprétations, laissant aux optimistes ou pessimistes, le choix de leurs visions d'un monde en danger.
Les cadrages sont millimétrés et sublimes, le domaine où se réfugient trois des femmes, s'avère à la fois fantomatique et féérique. Et l'idée de réunir les personnages progressivement en ce lieu de paix, s'avère rapidement aussi étouffant que salvateur, libérant un espoir d'accalmie et de bonheur, que l'on attendait plus forcément. Il est alors assez facile de se laisser bercer, auprès de ces femmes sans hommes, libres mais meurtries, hors du monde, dont les seules illusions volent progressivement en fumée. Magique et désespéré.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur