GOMORRA
Impression laborieuse
« Gommora » s'attache à décrire, d'une manière quasi documentaire, les luttes internes à la mafia napolitaine (la camorra). S'intéressant aux petits frappes indépendantes, aux caïds, aux comptables chargés de collecter l'argent et aux hommes d'affaires agissant notamment dans le domaine du traitement des déchets toxiques, il montre certes que leur inventivité n'a pas de limites, que ce soit pour escroquer les travailleurs (la scène dans laquelle des gamins conduisent les camions dans la carrière d'enfouissement fait rire particulièrement jaune), ou pour butter leurs ennemis. Mais ces règlements de comptes éclatés ne permettent à aucun moment de creuser les personnages, ce qui n'était peut-être pas le propos, la déshumanisation semblant être un maître mot dans ce milieu.
Matteo Garrone réussit tout de même à créer une certaine inquiétude, montrant comment une cité (sorte de gros bateau perdu dans la ville...) finit par étouffer des agissements multicouches d'une mafia qui s'auto-soupçonne, et s'auto-remplace. Le contrôle des uns sur les autres semble être d'ailleurs l'enjeu principal et inhérent à l'argent. Sous de faux prétexte de fidélité et de dette, chacun doit se comporter comme d'autres le souhaitent. L'histoire du tailleur qui vend ses services aux chinois et doit voyager dans le coffre d'une voiture pour rester discret, en est particulièrement significative. Et la présentation que certains font de la mafia fait froid dans le dos: elle aurait « permis à l'Italie d'être dans l'Europe », a « sauvé des emplois » et « résolu les problèmes de dettes des entreprises ».
Le cynisme est donc présent de bout en bout de ce film, faisant rarement place à un réel humour , ceci jusque dans le lit de mort d'un vieux parrain, qui se plaint... de l'euro et de l'augmentation du coût de la vie ! Malheureusement la qualité du montage, volontairement désordonné, renforce l'effet d'éclatement du film, qui laisse parfois de côté une des « intrigues » pendant plus de 45mn... Du coup, le spectateur déjà atterré par les agissements des personnages, s'agace de ne trouver aucun repère auquel se raccrocher. Et c'est là que le but est peut-être atteint, mais que le film apparaît comme résolument décousu.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur