Festival Que du feu 2024 encart

S.O.P.

Un film de Errol Morris

Troublant mais pas probant

Il y a quelques années, des photos étaient diffusées concernant les sévices subis par les prisonniers de la prison d’Abu Ghraib. Un expert fut chargé d’estimer où était la limite entre pratiques acceptables et torture…

Errol Morris (« Une brève histoire du temps ») a été avec « SOP », le premier à montrer un documentaire en compétition au Festival de Berlin. Il en est reparti avec le Grand Prix du jury, coeur d'un palmarès hautement politique qui a décerné l'Ours d'Or à « Tropa de Elite », film brésilien sur les corruptions policières. « Standard Operating Procedure » est en fait le nom des techniques d'interrogatoire ou de séquestration considérées comme « normales » ou « acceptables » par les autorités américaines. Et forcément, le spectateur ne peut s'empêcher de prendre par au jugement quant à la nature de ces pratiques qui ont fait par exemple qu'on ne s'aperçoit qu'au bout de longue minute que l'homme mis à mal dans une baignoire, est en fait déjà mort...

Tournant autour de la guerre en Irak et permettant une vision des sévices subis par les prisonniers dans la prison d'Abuh Ghraib, le film interroge ainsi sur l'implication des soldats américain et d'un Etat signataire de la convention de Genève et leurs niveaux de responsabilité. Il questionne aussi sur la capacité des photographies à relater une vérité. Montrant au départ, à l'aide d'une maquette 3D de la prison, la manière dont certaines photos sont situées dans l'espace comme dans le temps, le classement entre SOP et autres, proposé par l'accusation remet en perspective droit international et pratiques. Ainsi, les quelques témoignages qui composent le film, ponctué de photos et reconstitutions minimalistes et ultra stylisées (image cuivrée, ralentis...), permettent d'avoir différentes interprétations de certaines « tortures » infligées aux détenus.

Errol Morris choisi en effet de se concentrer sur les gardiens de prisons en poste à l'époque, et dont certains ont pris eux-même les photos présentées. Certains accusent, d'autres se déchargent. Quoi de plus naturel. Et on doute au final du caractère délateur de ceux qui ont pris les clichés, tant leur proximité semble grande avec les tortionnaires. On pourra trouver dommage que Morris s'en tiennent uniquement à des témoignages internes, mais cela donne toute sa cohérence à son film, qui reste peu passionnant au demeurant.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

À LIRE ÉGALEMENT

Laisser un commentaire