LES PROMESSES DE L’OMBRE
Un ange en enfer
Bouleversée par la mort d’une jeune fille qu’elle aidait à accoucher, Anna tente de retrouver la famille du nouveau-né en s’aidant du journal intime de la disparue, écrit en russe. En remontant la piste de l’ouvrage qu’elle tente de faire décrypter, la sage-femme rencontre Semyon. Elle ignore que ce paisible propriétaire du luxueux restaurant Trans-Siberian est en fait un redoutable chef de gang et que le document qu’elle possède va lui attirer de sérieux problèmes… Pour Nikolai, chauffeur et homme de main de la toute-puissante famille criminelle de l’Est, c’est le début d’une remise en cause. Entre Semyon et son fils Kirill, prêts à tout pour récupérer le journal, et l’innocente Anna, sa loyauté va être mise à rude épreuve. Autour d’un document qui se révèle de plus en plus explosif, plusieurs vies sont en jeu, dont la sienne, alors que se déchaînent les meurtres et les trahisons dans la famille comme dans la ville…
« Les promesses de l’ombre » apporte une continuité thématique et artistique à « A history of violence », comme s’il s’agissait d’une suite. Bien-sûr il n’en est rien, mais David Cronenberg semble être dans la prolongation d’un même élan créatif. Il utilise un procédé scénaristique classique dans les deux films, qui consiste à placer une famille ordinaire dans un monde violent qui n’est pas le sien, mais pour en tirer une sorte de réflexion sur la violence.
La mise en scène se fait simple et sobre, au service de la décortication d’un univers froid et antipathique. La scène de la douche en est le parfait exemple. Le lieu est dépouillé, Viggo Mortensen est dans le plus simple appareil et deux hommes viennent pour le tuer. Dans un long combat à mains nues il parvient à l’emporter en retournant les armes de ces hommes contre eux. Les cadres sont simples et précis et la séquence est rythmée sans aller démesurément vite. On a l’impression que Cronenberg (qui n’est pas un esthète et n’a jamais fait d’images « léchées ») montre l’action avec un semblant d’objectivité.
L’action est donc clairement compréhensible, en témoigne notamment le dernier plan de la scène, long, qui voit Viggo Mortensen ramper, se faire surprendre par l’homme à terre qui n’est pas mort, et l’achever. Le réalisateur réussit ainsi à montrer toute la dureté physique de cette violence sans quasiment aucun effet, ce qui est assez surprenant et paradoxal. Mais c’est pour mieux soulever l’humanité de l’infirmière interprétée par Naomi Watts, qu’il confronte à ce milieu et laisse remporter la partie avec Viggo Mortensen, lequel se révèle plus que « juste le chauffeur ». Naomi Watts en sort vivante, mais surtout elle sauve le bébé, moteur de l’histoire, et fait honneur à sa mère décédée en affirmant au grand jour certains éléments de son passé. Beaucoup d’humanité se dégage donc de cette fable violente - dont la fin n’est pas naïve puisque Viggo Mortensen a une mission à terminer -, et c’est là une bouffée d’oxygène salutaire.
Ivan ChaslotEnvoyer un message au rédacteur