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LADY VENGEANCE

Un film de Park Chan-wook

Sympathy for Park Chan-Wook

Geum-ja, une belle jeune femme, est incarcérée à tort pendant 13 ans pour l'enlèvement et le meurtre d'un garçon de 5 ans. Ce crime atroce obsède les médias. Geum-ja va consacrer ses 13 ans d'enfermement à la préparation méticuleuse de sa vengeance contre son ancien professeur Mr. Baek...

Après l’excellent Sympathy for Mr Vengeance et le génial Old Boy, Park Chan-Wook achève sa trilogie de la vengeance avec pour la première fois une femme dans le rôle principal. A travers cet ultime volet, le cinéaste réalise à la fois un film référentiel, un film-somme et une nouvelle variation sur un thème. Surtout, il défie de façon encore plus appuyée qu’auparavant la morale et les conventions. Provocateur, Park l’est sans aucun doute, mais jamais de façon gratuite. L’extrémité des situations et leur traitement hyperbolique et ultrastylisé n’est qu’un moyen pour pousser certaines questions morales dans leurs derniers retranchements. D’ailleurs, la vengeance se pose dans la trilogie, davantage comme un principe de construction scénaristique que comme une finalité. Ce principe permet simplement de creuser dans les zones les plus retorses de l’âme humaine.

Park Chan-Wook s’y emploie en variant les tonalités. Mr Vengeance était un film brut, à forte connotation sociale. Old Boy était une tragédie complexe, tant malsaine que lyrique. Lady Vengeance se démarque de ses deux prédécesseurs par son cynisme sans limites. Cet humour plus noir que noir secoue, car il interroge notre propre moralité. De la même manière que l’héroïne est alternativement ange ou démon (schizophrénie magistralement figurée par les couleurs et les costumes), des actes horribles seront différemment perçus selon le contexte et les personnes. Les victimes deviennent bourreaux, et le déplacement du mal vers le bien est amplifié par des scènes totalement surréalistes dont l’horreur n’a d’égale que la puissance burlesque. Une sorte de croisement entre Kubrick et Fincher.

Ce maniérisme, c’est un peu le problème du film : sa forme est tellement performante que parfois le scénario ne semble pas suivre, et en ce sens Old Boy lui est supérieur. Lady Vengeance, c’est ainsi la mise en œuvre d’une vengeance, puis sa concrétisation. Point barre. Car dans le dernier tiers ces enjeux viscéraux et les processus qu’ils impliquent (sadisme, cruauté) l’emportent sur le personnage féminin. Mais comme Park Chan-Wook est un monstrueux cinéaste, il retombe sur ses pieds lors d’un final fortement poétique, totalement symbolique, où tout est résumé en un plan sous la neige. Ca vous rappelle le final d’ Old Boy ? Normal, car non content de lorgner intelligemment sur le travail des autres, Park est aussi une influence pour lui-même. Et ça, c’est encore plus fort que le roquefort.

Thomas BourgeoisEnvoyer un message au rédacteur

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