CINEMA, ASPIRINES ET VAUTOURS
Une sensibilité pudique qui caractérise le film comme les personnages
Tout commence par une magnifique image saturée, pour bien nous mettre dans le bain de soleil et de sécheresse du décor, ce Nordeste semi-aride. Et par une mise en scène parfois lente et minimaliste, souvent caméra à l'épaule, aux dialogues épurés, pour mieux souligner la solitude du héros comme des personnages quasi sauvages du Sertão – sauvages dans le sens où la conversation n'est pas leur point fort et qu'un certain mystère ou une relative folie les caractérisent. Le choc des cultures entre Johann (et le spectateur) et la population autochtone est régulièrement décrit avec un humour discret ou une poésie touchante, véritables bouffées d'oxygène dans un tableau socio-écologique relativement alarmiste concernant cette région désolée et reculée – qui fait dire au personnage de Ranulpho que « même la guerre n'arrive pas ici »!
Au-delà du portrait d'une société marginalisée, de la reconstitution d'un point de vue originale (parce que lointain) de la Seconde Guerre Mondiale et d'un éventuel message politico-économique sous-jacent, ce film est avant tout l'histoire d'une émouvante amitié, si éphémère soit-elle, entre deux personnages que tout semble opposer mais dont le combat est similaire et consiste en la quête d'une vie meilleure. Ce goût de la vie est si palpable et communicatif qu'il prend aux tripes. L'amitié est discrète et implicite mais d'autant plus bouleversante. Ce film à fleur de peau nous laisse un sentiment étrange à la fin: une envie de sourire et de pleurer en même temps, mais surtout un désir incroyable d'aimer le monde.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur