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Festival de Venise 2011 : Jour 9 – un Lion d'or annoncé avec Faust de Sokurov et un William Friedkin qui décoiffe

9 septembre 2011

Jeudi 08 septembre 2011

La compétition est presque terminée et la fatigue se fait sentir. Du coup la légitime curiosité pour les sections parallèles se fait plus ténue et l'on se concentre naturellement sur les trois films qui concourent pour le Lion d'Or. Hormis cela, en ce jeudi, la section Horizons (Orrizonti) nous a proposé un film en langue espagnole, « Verano » de José Luis Torres Leiva, voyage croisé de deux femmes dans une station thermale du sud du Chili, l'une révélant à son compagnon qu'elle ne veut pas d'une vie avec un enfant, l'autre cachant au sien qu'elle est enceinte. Un petit film dont les quelques scènes qui respirent l'été et la douceur de vivre.

Venise pourrait bien tenir son Lion d'Or avec le Faust de Sokurov

Après quelques apartés avec « Père et fils » et « Alexandra », Alexandre Sokurov a enfin dévoilé, en compétition, sa version de « Faust », quatrième volet de sa tétralogie sur le pouvoir. Après « Moloch » sur Hitler, « Taurus » sur Lénine et « Le soleil » sur l'empereur Hiro Hito du Japon, le réalisateur russe nous livre son adaptation libre (et partielle) de Goethe, en allemand dans le texte. Dans les trois premiers volets, des hommes au pouvoir découvraient qu'ils étaient humains, et apprenaient l'isolement qui va de paire avec le pouvoir. Dans « Faust » un homme rechigne à se laisser aller aux désirs humains qui l'habitent : cupidité, désir de chair... Le récit conte l'influence grandissante sur cet homme rationnel (il est médecin) d'un personnage diabolique (Mephistofeles) qui va lui faire découvrir toutes les facettes de sa ville et de l'humanité, jouant sur la tentation pour le faire céder à ses envies (et lui donner le pouvoir en échange de son âme).

Sokurov signe ici un film à la mise en scène somptueuse, dotée d'une photographie d'une beauté indescriptible que l'on doit au français Bruno Delbonnel. Le metteur en scène varie les ampleurs de champs, passant d'une scène d'intérieur confinée, à de vastes espaces, composant de véritable de tableaux aux multiples figurants (la scène des bains...). Il dynamise la moindre scène d'intérieur, variant sans cesse les points de vue, ne laissant aucun répit à sa caméra. Ode au désir sans âge, son film tout en nuances de gris, s'illumine tout d'un coup lorsque l'objectif rencontre le visage de l'être aimé. Emporté dans un véritable tourbillon pour les sens, porté par une discussion au cordeau entre un Mephisto à forme humaine et torturée et un Faust qui veut bien paraître, le spectateur ne sait plus où donner de la tête. Si Sokurov ne repart pas avec le Lion d'Or, on ne voit pas comment un prix de la mise en scène pourrait lui échapper.

William Friedkin n'en finit pas de rajeunir

William Friedkin est le réalisateur mythique de « French connection ». Depuis son grand retour avec le paranoïaque « Bug », découvert à Cannes il y a quelques années, le voici qui réitère l'exploit à une sombre histoire d'arnaque à l'assurance, contée sur le mode de la comédie délurée. Car son nouveau film est avant tout l'occasion de brosser le portrait d'un quatuor de grands malades avides d'argent. Il y a le fils (Emile Hirsch), nerveux pathologique, endetté, qui semble être le seul cerveau de la famille. Il vit dans un mobil home avec son père (Thomas Haden Church) un peu mou de la carafe, une belle mère qu'il méprise (Gina Gershon) et qui fait de cas de la promiscuité ambiante, et sa sœur (Juno Temple), lunaire, pas aussi naïve qu'elle en a l'air.

Mais « Killer Joe » c'est aussi et surtout l'apparition du fameux Joe, incarnation du tueur texan (il fait même taire le chien qui aboyait depuis les début du film lorsqu'il met chapeaux et lunettes pour la première fois), autoritaire, crâneur, violent à ses heures, et surtout très à cheval sur la manière dont il va être rémunéré. Il prendra d'ailleurs la fille de la famille en garantie, au cas où on lui jouerait des tours. Bien entendu, le scénario, malin, fera que tout ne se passera pas comme prévu. Une ode à la bêtise, qui est surtout un bon divertissement. Une chose est sûre cependant, après avoir vu ce film, vous ne regarderez plus jamais de la même manière une cuisse de poulet frit...

Une comédie italienne qui en dit long

« L'ultimo terrestre » de Gian Alfonso Pacinotti (Gipi), dernier film italien en compétition, s'ouvre sur des images d'une nuit étoilée, avec en fond sonore une émission radio, dans laquelle des auditeurs affichent leurs craintes face à l'arrivée imminente sur terre, des aliens. Gipi va ainsi nous parler, au travers des aventures rocambolesques d'un anti-héros voulu moche et coincé, de la différence et de la peur qu'elle peut inspirer chez ses compatriotes. Transexuels, aliens, freaks, tout le monde semble se méfier de l'autre, celui dont on ne comprend pas les actes.

En parallèle, cet étrange scénario développera une « histoire d'amour » entre le père du personnage principal, et l'alien femelle débarqué dans sa ferme. Mais cette parenthèse d'apparence enchantée, amenant de sympathiques moments de comédie, est également une manière de montrer la manière dont les hommes semblent considérer les femmes, bonnes à faire la cuisine, tenir compagnie, jardiner, en bref à servir le mâle.

Totem ou le calvaire d'une fille au-pair

Dans la sala Darsena, le dernier film de la compétition de la Semaine de la critique, « Totem », situé en Allemagne, relate le calvaire d'une fille au pair, inspiré d'un fait divers. Sur la forme, la mise en scène reste de facture assez classique, adoptant un récit linéaire, et usant de nombreux plans fixes, le malaise passant plus par les postures des personnages et les dialogues. Sur le fond, la réalisatrice nous dépeint une famille de barges, mère traumatisée qui confie à sa servante le soin de deux faux bébés (qu'elle doit aller promener même de nuit !), père colérique et obsédé, qui vont faire tourner chèvre la jeune fille. Un film clinique, qui fait froid dans le dos.

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur