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Festival de Venise 2011 : Jour 8 – Les déceptions s'accumulent avec Albel Ferrara, Cristina Comencini et Eran Kolirin

8 septembre 2011

Mercredi 07 septembre 2011

En ce mercredi, les premiers journalistes ont commencé à partir en direction de Toronto, libérant un peu d'espace dans les salles. Outre le film italien signé Cristina Comencini et le nouveau Abel Ferrara, la Mostra a proposé aujourd'hui aux festivaliers l'histoire d'un couple de rebelles mexicains, avec le percutant « El lenguage de los machetes », ses personnages portant en étendard un « tout changer ou disparaître » fortement d'actualité, ainsi que des interrogations sur l'utilité d'avoir un enfant dans le monde tel qu'il est aujourd'hui.

La difficulté d'élever un enfant selon Cristina Comencini

La première heure du second film italien présenté en compétition, « Quando la notte » laissait présager d'un drame humain autour des notions de maternité et de maltraitance. Une mère débarque en bus dans un petit village de montagne, avec son fils, âgé de deux ans et sujet à des difficultés respiratoires. Elle semble alors déranger quelque peu le propriétaire de l'appartement qu'elle loue pour un mois, un guide de montagne peu sociable, que les cris de l'enfant en pleine nuit réveillent systématiquement. Cristina Comencini (« La bête dans le coeur »), à ne pas confondre avec Francesca Comencini, bien plus prolifique ces dernières années (« A casa nostra », « Lo spazio bianco ») nous propose hésite avec ce film entre le simple portrait d'une femme dépassée par les difficultés d'élever un enfant, et une romance que l'on croit évitée durant les trois-quarts du métrage.

Malheureusement, ce qui aurait pu rester une délicate œuvre sur les risques de maltraitance, et les conséquences des actions d'une mère sur un entourage suspicieux, comme ce fut le cas dans l'angoissant « Por tu culpa », vire au mélo improbable. Dialogues navrants et appuyés (« pourquoi est-ce que personne ne dit qu'élever un enfant est difficile » s'exclame le personnage principal...), naïveté du propos, personnage masculin grossier, tout concoure à provoquer les ricanements d'un spectateur attentif. Une grosse déception pour un mélo risible.

L'auteur de « La visite de la fanfare » bascule dans le film conceptuel

C'était certainement l'un des films les plus attendus du festival. Et s'en sera l'une des déceptions les plus cuisantes. Eran Kolirin l'auteur de « La visite de la fanfare » s'est offert un virage en direction de l'art et essai pur et dur, avec « The exchange », fable aux dialogues minimalistes. Avec le pétage de plomb progressif d'un scientifique qui, rentrant chez lui un après midi pour chercher une pochette oubliée, voit sa femme allongée sur le lit, endormie, et la découvre soudain sous un autre jour. Il en sera de même pour son appartement et tous les lieux qui lui sont habituels (l'entrée de l'immeuble, le garage...). Cette idée, sympathique au début, sera encore renforcée par la présence d'un étrange voisin en lequel le personnage principal trouvera matière à alimenter son fantasme d'une nouveauté perpétuelle et d'un bonheur simple.

Le personnage n'aura donc de cesse d'essayer de voir le monde autrement, en jetant des objets dans des lieux insolites, en s'allongeant parterre, en expérimentant... s'éloignant paradoxalement du monde des humains. Avec ce concept simple, et son message sur le renouvellement du regard nécessaire à la continuation de la relation amoureuse, Kolirin se rapproche des films de Yorgos Lanthimos (« Canine », « Alps ») mais se retrouve rapidement à tourner en rond.

Abel Ferrara et les heures avant la fin du monde

« 4:44 Last day on earth », également présent à Deauville pour un hommage, a donné à Abel Ferrara l'occasion d'observer un couple dans les dernières du monde et de mettre en avant la manière dont les nouveaux médias (télévision satellite, internet...) apportent une fausse proximité entre les êtres. Composantes de son couple filmé en huis clos, hésitant entre isolement et connexion avec le monde, Willem Daffoe et Shanyn Leigh ont une approche radicalement différente de ces instants. D'un côté le personnage de Willem Daffoe recherche le bruit et des explications, s'entourant d'un brouhaha à même d'excéder le spectateur, entre JT qui ressasse les mêmes infos, sorte de gourou prédicateur, et connexion internet qui lui permet de faire des adieux distanciés par webcam interposée. De l'autre, sa femme, se réfugie dans l'art et voudrait débrancher d'un événement dramatique qu'elle rejette.

La chose chose sur laquelle ils sont d'accord semble être le sexe. Ferrara pose ainsi le physique comme dernier ressort du lien, le film s'ouvrant sur une scène de sexe, filmée très proche des baisers, et des courbures des hanches, puis s'attarde sur un long monologue de Daffoe, caressant les fesses de sa compagne. Contrairement à De Palma, Ferrara observe les nouveaux médias, sans réussir à vraiment les exploiter. Ou sans en avoir la volonté. Il pointe la fascination naturelle pour les catastrophes, ainsi que la fringale d'images de la société actuelle. Malheureusement l'auteur appuie un peu trop sur certains aspects apocalyptiques. Il fait ainsi dire à quelqu'un « Al Gore avait raison ». Il incruste des images subliminales d'aborigènes et îles de Pâques. Il présente en plein écran les adieux du présentateur télé, affirmant que l'important c'est la famille, que chacun puisse passer ces derniers moments avec les siens.

Marie-Josée Croze en flic vengeresse pour Santiago Amigorena

La québécoise Marie-Josée Croze est l'héroïne malheureuse de « Another silence » de Santiago Amigorena (« Quelques jours en septembre »), sombre histoire de la vengeance d'une femme flic dont le mari et le fils ont été assassinés violemment alors qu'ils se rendaient à un match. Peu crédible sur certains aspects, ce road-movie nous entraîne sur les routes entre le Canada (où se passe le drame initial,), l'Argentine et la frontière bolivienne. Amigorena décide de rapidement dévoiler l'identité du tueur, donnant ainsi au spectateur un pas d'avance sur celle qui le traque.

Certes la femme flic a été elle même du mauvais côté de la barrière, mais on a tout de même du mal à croire aux accès de violence dont elle est soudain capable, se tirant des pires situations, en jouant sur l'effet de surprise, tant elle semble peu discrète dans ses filatures ou ses demandes de renseignements. Les nerfs à vif, ce personnage touche forcément par sa détresse, mais on aurait aimé qu'il fasse l'objet d'un minimum de développement, chacun des événements du scénario paraissant téléphonés. Au final, certains trouveront un intérêt particulier au film dans ce qu'il peut montrer des pays d'Amérique latine et d'un autre rythme, loin du Canada et des USA, monde anglo-saxon dont provient l'héroïne.

Une jolie fable espagnole sur les robots libres

D'emblée son générique fascine par sa beauté. Une multitude de billes et formes translucides se forment sous nos yeux, construisant une étrange structure. Certaines se mettent en mouvement, et l'on aperçoit dans certaines des bribes d'images. Le film espagnol « Eva », également présenté à Sitges, est en fait l'histoire d'un homme qui, ayant fui 10 ans auparavant, revient dans son village des Pyrénées (en Catalogne), pour reprendre ses recherches en robotique. Il y retrouve son frère, marié à celle qu'il a aimé, et leur fille Eva, tout juste 10 ans. D'emblée le décors est posé : tout le monde à son robot, comme moyen de transporter les courses, comme animal de compagnie (le héros a un chat). Les images de synthèses sont remarquablement bien intégrées à chaque plan, permettant aisément de croire à ce monde moderne, où l'architecture et les humains n'ont pas changés.

Daniel Bruhl joue donc les Dr Frankenstein, tentant de créer le premier robot humain libre, en composant son caractère à partir de différents types d'émotions, et en interaction avec sa nièce, intelligente petite fille, qui ne paraît pas suffisamment ambiguë pour faire adhérer à une idée de danger potentiel. Cependant l'histoire se tient, menant en parallèle création du robot et histoire d'amour contrariée. Les interprètes s'en sortent plutôt bien et l'on découvre avec étonnement le rôle confié à Luis Homar (« Étreintes brisées »), un prototype humain d'ancienne génération, robot obsédé par l'ordre et le nettoyage.

À la Mostra il n'y a pas que des Lions, il y a aussi des lapins !

Après son navrant « Shock Labyrinth 3D » découvert en séance de minuit l'an dernier, Takeshi Shimizu a dévoilé dans la Sala Grande, son très attendu « Tormented ». La rumeur était partie d'ici même l'an dernier, puisqu'il avait donné au Festival de Venise l'exclusivité des premières images du film. Cette séance de minuit a donc vu Marco Muller, le sélectionneur de la Mostra, enfiler une tête de lapin géante, pour mieux introduire le réalisateur à un public conquis d'avance. S'ouvrant sur une scène de massacre d'un lapin blessé à coups de parpaings, le film correspond à une longue série de cauchemars, à la fois enfantins et horrifiques.

Venu chercher le petit garçon depuis le fin fond d'un placard situé dans l'escalier, un lapin géant (ressemblant initialement à une grosse peluche aux formes arrondis, et prenant progressivement des contours plus inquiétants) l'attirera dans une sorte de parc d'attraction dont les couleurs festives du début laisseront place à des dangers certains. Fantôme féminin aux cheveux noirs et raides, apparitions soudaines dans le cadre, bruits détonants, Shimizu maîtrise les composantes incontournables du genre, sans réellement surprendre, mais en ménageant un certain suspense autour d'un secret de famille bien gardé.

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur