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Festival de Venise 2011 : Jour 6 – La taupe, adaptation datée de John Le Carré, et Deanie Yip, héroïne bouleversante de A simple life

6 septembre 2011

Lundi 05 septembre 2011

Un demande de mariage bien rapide pour Todd Solondz

Todd Solondz (« Bienvenue dans l'âge ingrat », « Happiness », « Life during wartime ») ressasse une nouvelle fois ses thèmes de prédilections avec son nouveau film, « Dark horse », présenté en compétition. Toujours orienté sur les difficultés de personnes peu gâtées par la nature et ayant souvent peu de goût esthétique, pour avoir une relation amoureuse. Son nouveau anti-héros est un trentenaire, véritable geek (son bureau et son appart son bourrés de statuettes de séries ou dessins animés, il a même un rubix cube qui pend à son rétroviseur), plutôt enveloppé, qui vit encore chez ses parents (incroyables Mia Farrow et Christopher Walken, plus seventies que jamais). Rencontrant une jeune femme vraisemblablement dépressive, il va chercher à la revoir et lui faire une demande en mariage un rien précipitée.

Bref, les personnages de Todd Solondz ne doutent jamais de rien et, souvent naïfs, ils prêtent le flan sans honte à de nombreuses humiliations imposées par la gente féminine. Ici l'objet du désir, beau et torturé est interprété par Selma Blair, qui réfléchit à la proposition qui lui est faite, mais donne une définition bien triste du mariage : l'abandon de l'espoir, la carrière, le succès, l'estime de soi... Bref, toujours bardé d'un humour noir et amer, « Dark horse » ronronne gentiment sur le mode « je suis un film de Todd Solondz », mais n'apporte pas grand chose de nouveau à l'univers du réalisateur.

Le réalisateur de « Morse » adapte John Le Carré pour un film d'espionnage interminable

On pense souvent au terme « crépusculaire » lorsque l'on désigne des westerns où les cowboys sont fatigués voire condamnés, où l'Ouest n'est plus ce qu'il était. Pourtant cet attribut semble parfaitement s'appliquer au nouveau film de Tomas Alfredson, réalisateur remarqué de « Morse », récent Grand prix à Gérardmer. « Tinker, tailor, soldier, spy », une très complexe histoire d'espionnage, met en scène un nombre impressionnant de personnages, tous traités au même niveau. Faisant partie de l'intelligence britannique chargée des pays de l'est, ce « cirque », avait à sa tête principalement quatre hommes en 1973, lorsqu'un agent fut abattu à Budapest, alors qu'il devait récupérer des éléments permettant d'identifier une taupe. Commence alors une longue, très longue enquête, menée par un agent du MI6 revenu exprès de sa retraite : George (Gary Oldman).

Adapté d'un roman de John Le Carré, « La taupe » (ce sera le titre français, en effet bien plus adapté) est un film clinique et sans relief, certainement plus proche de la réalité que les épisodes de la série Jason Bourne, mais cependant à des années lumière de provoquer le même intérêt. Rien de trépidant ici, les discussion avec les uns puis les autres s’enchaînant avec les états d'âmes des agents, dans une regrettable absence de rythme. Si quelques plans sont magnifiques (la vue des archives depuis l'extérieur...), le tout est d'un terme absolu, peut-être pour mieux signifier que les hommes de ce monde là n'ont pas vraiment de vie (et donc pas d'environnement vivant). Restent les cinq dernières minutes, sous forme de règlement de comptes, avec en fond sonore une version revue et corrigée de « la mer » de Charles Trénet.

Une délicate histoire de reconnaissance et de respect : A simple life

Le film commence tout doucement par quelques scènes de quotidien entre celle qui semble être une mère attentionnée et un producteur de films dans la trentaine. Mais l'on s'aperçoit vite que tous ces gestes mesurés, toutes ces recettes de cuisine élaborées à partir d'aliment qu'elle va elle-même sélectionner au marché, Ah Tao les procure à celui qu'elle a élevé, mais dont la vrai mère vit à San Francisco. Elle est en fait l'intendante, la bonne, la cuisinière, et le jour où elle a sa première attaque cardiaque, ce sera à cette famille de s'occuper d'elle en retour. Empli d'une tendre affection pour ce personnage de vieille femme humble, le scénario de « A simple life », basé sur un personnage réel, pourrait bien valoir un prix d'interprétation féminine à Deanie Yip.

Ce film délicat sur la vieillesse et sur le respect des personnes âgées se dote rapidement d'un humour discret mais qui fonctionne à plein, histoire de désamorcer quelque peu la gravité du sujet. Lorsque la servante se retrouve pour la première fois à l'hôpital, l'homme dont elle s'occupe se retrouve contraint de consulter le manuel de la machine à laver, ou d'évaluer dans le détail la manière dont les maisons de retraite facturent leurs prestations (découvrant au passage d'étrange pratiques, comme les tarifs d'escorts qui dépendent de leur nationalité...). Â partir du moment où Ah Tao se retrouve dans l'une de ces maisons, la complicité entre l'homme et elle se fait peu à peu jour, lors des moments où il peut la sortir, lorsqu'elle revient à la maison où qu'elle l'aide à lui trouver une remplaçante (sacré audition, qui montre comment les mentalités ont changé). Petit à petit le personnage se raconte et ses rapports avec toute une famille prend forme. Et simplement, une émotion impossible à réprimer naît.

« Louise Wimmer » prise dans la spirale du surendètement

Chaque année nous disent les organisateurs, il y a forcément un film français parmi les sept films en compétition pour la semaine de la critique. Pour 2011, l'heureux élu est Cyril Mennegun, dont le premier film, « Louise Wimmer », implacable descente aux enfer d'une mère célibataire, obligée de vivre dans sa voiture a été présenté ce jour, Classique scénario qui évoque forcément l'univers des Dardenne, le film vaut avant tout pour la prestation de Corinne Masiero, incarnant toute la frustration de cette femme évoluant à la frange de la société, et dont la lassitude se lit de plus en plus sur son visage ou au travers de ses moues réprobatrices. Sa rage intérieure, elle a du mal à la réprimer, face à son patron qui lui reproche ses retards, à l'assistance sociale, incapable de lui trouver un appartement, ou même à sa voiture qui peine à démarrer (et lui rejoue le même morceau de musique à chaque fois). La chute est implacable, et le réalisateur réussit à coller au corps de cette martyre d'un système où la compassion et l'entraide se heurtent à la fierté. Il capte ses colères, ses désespoirs avec une sincérité désarmante. Une carrière à suivre.

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur