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Festival de Venise 2011 : Jour 2 – Polanski adapte avec brio Yasmina Reza et Madonna révèle sa vision de la vie de Wallis Simpson
Jeudi 01 septembre 2011
Deuxième acte pour la Mostra 2011 avec une journée éclectique, les stars commençant à se bousculer sur le tapis rouge, à l'approche d'un premier week-end, qui s'annonce particulièrement fructueux. Ce jeudi a donc vu défiler quelques grand noms, comme Kate Winslet, Christoph Waltz, John C. Reilly (Jodie Foster et Roman Polanski n'avaient pas fait le déplacement), ou encore Madonna et ses deux actrices Abbie Cornish et Andrea Riseborough. Les films italiens ont quant à eux affiché complet, ne nous permettant pas de voir « Ruggine », présenté aux Journées des auteurs.
De braves guerriers taïwanais pour 2h30 d'action
Premier film en compétition, « Warriors of the rainbow » est une production John Woo, qui compte la résistance puis le soulèvement d'un peuple indigène de l'île de Taïwan, suite à la cession de celle-ci par la Chine au Japon. La peuplade Seediq et ses nombreux clans, nous sont présentés dès les premières minutes à l'occasion d'une scène de chasse à l'arc et à l'arquebuse, autour d'une rivière tumultueuse. Rites de passage à l'âge adulte, le vol d'une proie à un clan est alors l'occasion pour Mouna Ruta de marquer sa domination sur son clan, en décapitant quelques membres du clan voisin. La sauvagerie est décrite avec minutie et les règles d'honneur et de gloire de ces guerriers vivant en forêt révèlent une facette méconnue de Taïwan.
Malheureusement le reste du film, aligne les différentes bataille de ces hommes, d'abord pour résister à l'invasion japonaise, puis décrit dans le moindre détail, chacune des étapes d'un soulèvement envisagé comme un sacrifice. Malgré le brio de la mise en scène concernant de percutantes scènes d'action, le spectateur étant littéralement projeté au milieu du champ de bataille, les quelques scènes spirituelles, faisant appel aux croyances des indigènes en un contact avec le monde des esprits (celui situé de l'autre côté de l'arc en ciel), ne restent pas à l'état d'évocations mais prennent une forme onirique mais souvent kitsch (la vision du père, l'arc en ciel de la fin, le chien...). Ajoutez à cela des tics de réalisation propre aux grosses productions, imposant musique et chant lyrique par rapport au bruit d'une bataille, utilisation de ralentis et d'images floutées, et le spectacle perdra tout de même un peu de sa superbe sur la longueur (2h30).
Règlements de comptes entre parents pas si bienveillants dans Carnage de Roman Polanski
Deux couples sont réunis, suite à l'agression de l'enfant de l'un sur le fils de l'autre. Alors que le but initial était de traiter le problème de manière civilisée et compréhensive, entre adultes, les discussions finissent par faire ressortir les vrais intentions de chacun, mais aussi les frustrations et problèmes internes à chacun des couples. Pour son premier film après sa relaxe par les autorités suisses, Roman Polanski a choisi d'adapter une pièce de Yasmina Reza, le Dieu du carnage, aidé par la romancière elle-même. Pour cela, il s'est entouré d'un casting quatre étoiles, qui est certainement le principal intérêt du film.
Jodie Foster incarne une mère hystérique, à cheval sur de nombreux principes et désireuse de s'assurer que le petit des autres sera bien réprimandé selon sa propre vision de l'éducation. Elle a pour mari John C.Reilly (« Magnolia », « Cyrus »), bonne pâte, conciliant, mais au final très fier de ses attributs de mâle, ayant lui même été chef de bande. Kate Winslet est une mère un peu coincée, qui culpabilise à s'en rendre malade et ne supporte plus le téléphone portable omniprésent de son mari, Christoph Waltz (« Inglourious basterds »). Au final « Carnage » est un huis clos rythmé par les indignations et colères de ces quatre protagonistes, marqué par un sympathique comique de répétition, et qui traite à la fois d'éducation et de civilisation.
Le troublant deuxième essai de Madonna réalisatrice
Pour son second essai en tant que réalisatrice, Madonna nous entraîne dans un tourbillon de sensations, grâce à un double portrait de femmes, certes inégal, mais comportant quelques fulgurances. Troublant, son « W.E. », des initiales de Wallis Simpson et Edouard VIII (contraction qui signifie aussi « nous » en anglais), est avant tout l'histoire de deux femmes, entre les conventions des années 30 et aujourd'hui. La première, Wallis Simpson, devra sacrifier sa liberté pour dans une fuite avec un homme qui renonça a ses devoirs de futur Roi d'Angleterre. La seconde, Wally, est une jeune femme qui tente d'avoir un enfant malgré les réticence d'un mari souvent absent. Comme le dit elle même la réalisatrice, les gens qui ont vu « Le discours d'un roi » auront déjà quelques bases, sur l'abdication de Edouard VIII à la veille de la seconde guerre mondiale, par amour, et sur le bannissement qui s'en suivi.
Au final, il se dégage de « W.E. » un certain charme, que la Madone traite de l'approche entre la riche américaine et le futur Roi (ceci sous les yeux d'un second mari peu à peu résigné...), ou des errances d'une jeune femme, qui devient peu à peu obsédé par ce personnage historique, dont elle imagine et interprète la vie, en référence à la sienne. Intelligemment menées, les transitions entre les deux périodes se font au travers des vêtements et objets d'une exposition ayant lieu dans une célèbre maison de vente aux enchères, lieu où naîtra une séduisante et improbable idylle entre elle et un vigile immigré. On regrettera simplement que Madonna, servie par un casting impeccable, n'est pas su terminer son film à temps, en laissant une part de mystère sur les deux êtres qu'elle observait. On aurait pu croire en effet que la boucle était bouclée avec la première scène du film (le premier mari qui tabasse Wallis et lui fait perdre son enfant...), mais l'ambition de la réalisatrice lui a fait rajouter quelques 15mn superflues. Son scénario aurait certainement gagné à rester dans la simple évocation du personnage historique, sans nous imposer visite d'une suite dans un hôtel parisien et lectures de correspondance intime, qui gâchent un peu l'émotion jusque là mesurée.
Une montée de l'extrémisme qui génère bien peu de tension
L'auteur de « La trahison », Philippe Faucon a présenté en fin de journée, hors compétition, une œuvre très attendue sur la montée des extrémismes religieux et la manipulation des jeunes. Situant son action dans le nord de la France (une banlieue de Roubaix), l'auteur ouvre son film sur une imposante vision d'une mosquée en pleine air, les fidèles se pressant au pied de l'Immam, lui permettant par cette image d'annoncer d'emblée la progression effective des phénomènes qu'il décrira par la suite. Il réussit une première partie, faite de multiples portraits, à présenter une micro-société portant différents regard sur la religion musulmane et le fait de pratiquer. Malheureusement, la seconde partie du film, centrée sur les préparatifs d'un attentat terroriste, bascule dans le prévisible, et ne présente aucun contrepoint à l'idéologie de la haine ici déroulée.
Le plus gros défaut de « La désintégration » est certainement l'absence quasi totale de tension, faisant que l'on n'éprouve jamais de peur pour celui qui devient personnage principal, contrairement à d'autres films traitant d'un sujet similaire (« Le choix de Luna », « Night and day »...). On pourra aussi reprocher au scénario de donner l'impression qu'il s'agit là juste d'actions de quelques individus isolés, alors que la qualité des véhicules utilisés à la fin prouvent le contraire... Non seulement Philippe Faucon omet de poser la question de qui est derrière ces embrigadements, mais il fait du chef des extrémistes un cliché ambulant, parlant à voix basse et rauque, en ténébreux manipulateur. Heureusement, reste la prestation du frère de Jamel Debbouze, Rashid, véritable révélation du film, et le portrait tout en douceur, de la mère, qui incarne les vrais valeurs de générosité et d'écoute de l'Islam.