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Festival de Venise 2011 : Jour 1 – Ouverture politique avec George Clooney et Ryan Gosling, déception pour Lou Ye et le Crazy horse de Wiseman
Mercredi 31 août 2011
Il fait chaud, très chaud sur la lagune de Venise. Les moustiques nous dévorent jambes et bras, s'attaquant aussi quand ils le peuvent aux pieds dénudés ou aux mains. Cette chaleur accablante qui rend agréable l'intérieur des salles de projections, ici climatisées, est due à la forte humidité ambiante et à la quasi absence de vent. Cela n'empêchera pas les équipes de films de se bousculer sur le Lido, à commencer aujourd'hui par les protagonistes du film d'ouverture, formant une équipe presque au complet : George Clooney, Paul Giamatti, Philip Seymour Hoffman, Marisa Tomei, le grand absent étant Ryan Gosling, à qui il sera rendu hommage à Deauville la semaine prochaine.
Les journalistes eux-aussi sont au rendez-vous, se pressant aux projections matinales tout comme aux conférences de presse, archi-combles. Nul doute que la quinzaine va être chaude, et les places plutôt chères pour pouvoir assister aux séances des films les plus attendus. Venise 2011, c'est parti: Moteur !
Quand George Clooney conte le désenchantement politique
Rarement les films d'ouverture de la Mostra déçoivent, les sélectionneurs sachant dans leur choix, allier l'audace formelle ou politique, à un talent souvent éléguant. J'en veux pour preuve les récentes présentations en ouverture de « Reviens-moi » ou « Black swan ». « The ides of march » (« Les marches du pouvoir » en français) avait cette année la lourde tâche d'ouvrir les festivités, avec un sujet potentiellement rébarbatif : les primaires démocrates. Le nouveau film de George Clooney réalisateur (« Confession d'un homme dangereux », « Good night and good luck ») réussit haut la main cette épreuve en nous contant les coulisses d'une élection (comme l'avait fait avec beaucoup moins de bonheur Mike Nichols pour « Primary colors » (à l'époque en ouverture d'un autre festival : Cannes).
Logiquement plus centré plus sur les membres de ses comités de soutien et particulièrement son directeur de campagne en Ohio (Ryan Gosling, une nouvelle fois impressionnant), il compose un thriller politique et intime, à la fois élégant et nerveux. Entourloupes, manipulation, rôle des médias et utilisation des suites, chantages, tractations à coup de propositions de secrétariats d'État, tout est bon pour gagner. Mais Clooney montre habilement qu'une fidélité affichée, des idéaux et principes clamés haut et fort ne sont souvent que façade, menant peu à peu son stratège personnage vers un désenchantement que nombre d'électeurs ressentent légitimement eux aussi.
Un magnifique documentaire sur différences et similitudes de mondes géométriquement opposés
En seconde séance d'ouverture Marco Muller a programmé cette année, chose exceptionnelle, un documentaire. Signé Victor Kassakovsky, « Vivan las antipodas ! » nous propose au travers de la mise en parallèle de 4 antipodes (Argentine – Chine, Russie – Chili, Hawaï – Botswana, Nouvelle Zélande – Espagne), une vision d'un monde à deux vitesse, où l'homme n'a cependant de cesse que de se mesurer ou tenter de protéger la nature. Servi par une photo proprement sublime, le film offre d’impressionnantes transitions basées sur le renversement de l'image (on voit ainsi évoluer des véhicules, comme collés au plafond... augmentant encore la sensation de vitesse ou de danger ressentie), ou par un simple reflet dans de l'eau. La silhouette imposante de Shanghaï dans une rivière argentine, répond donc à la simplicité de la construction de deux paysans, partiellement sur pilotis.
Des parallèles ou oppositions sont ainsi magnifiés par un montage brillant, qui certes pourra donner le tournis à certains, mais vaut sans aucun doute le détour. Des caractères placides des gens du sud, aux foules grouillantes de Chine, en passant par une nature menaçante ou menacée, « Vivan las antipodas ! » glorifie, comme son titre l'indique, les différences qui font la richesse des peuples, tout en montrant forces et faiblesses de la nature. Visuellement envoûtant.
Frédérick Wiseman s'égare partiellement au Crazy horse
En marge de la sélection officielle, une autre section à être inaugurée aujourd'hui, les Journées des auteurs (ou Venice days) nous ont offert deux déceptions, avec deux films d'ouverture très inégaux. Premier à entrer en scène, en séance événement, Fréderick Wiseman, réalisateur d'habitude capable de vous captiver avec des sujets plutôt difficiles ou austères (la lecture de lettres de déportés dans le bouleversant « La dernière lettre », les dessous de l'opéra de Paris dans « La danse », la boxe avec « Boxing Gym »...) nous livrait ce qu'on espérait être sa vision du « Crazy horse ». À l'occasion du montage du nouveau spectacle de ce fameux cabaret parisien, il a suivi pendant près de 10 semaines la troupe de Philippe Découfflé, des répétitions aux loges.
Le résultat : une accumulation de numéros présentés pour beaucoup dans leur totalité, quelques bouts de répétition ou castings des plus intéressants, et des aspects marketing sous exploitées. Wiseman, qui n'a peut-être pas eu le contrôle total de son œuvre, ou s'est avéré trop fasciné par son sujet, n'a que peu capté les contradiction du métier, reléguant la vraie vie au second plan. Ainsi, les danseuses sont presque un sujet laissé de coté, et l'aspect économique de l'entreprise, est à peine esquissé. Abordé en opposition avec la création artistique au début du film, lors d'une réunion sur touchant à la potentielle fermeture du lieu pour répétition (refusée par les actionnaires), elle revient lors de la partie consacrée à la promotion. Celle-ci met en avant en effet un discours hypocrite sur le pouvoir de la femme qui maîtriserait l'érotisme du couple (en opposition à la femme objet), et montre les soupirs désespérés d'un Découfflé forcé de subir les réponses franchement vides de son directeur artistique (incapable par ailleurs de définir lui-même son propre rôle dans l'organisation du spectacle !). Bref, « Crazy horse », sans être totalement une publicité pour l'établissement, est avant tout une leçon d'utilisation de la lumière et de mise en valeur du corps de la femme.
Tahar Rahim crédible, dans une histoire poussive
Lou Ye (« Nuits d'ivresse printanière », relégué aux Venice days, après avoir été pressenti pour Cannes et pour la compétition vénitienne, nous a offert, en ouverture de cette section parallèle, un film tourné à Paris (il a été interdit de tournage en Chine pour 5 ans, période qui touche à sa fin) intitulé « Love and bruises » (de l'amour et des bleus). Cette histoire de passion amoureuse entre une étudiante chinoise et un jeune monteur de structures sur les marchés, ne convainc pas un seul instant. Après une scène de séparation plutôt réussie, le réalisateur capturant la détresse de son héroïne, la suivant caméra à l'épaule dans son errance déboussolée dans les rues de Paris, le récit s'enlise dans la peinture d'une relation impossible entre une intello et un manuel au charme brut.
Partant d'un viol, le réalisateur nous impose de récurrentes scènes de sexe, sans charme, plus cliniques que charnelles, qui hormis les bruyants orgasmes répétés de la fille, ne nous montrent aucun signe de plaisir partagé. Le fossé entre les deux jeunes gens est grossièrement dépeint, notamment lors d'une poussive scène de repas, tandis que le portrait de la jeune fille, il reste à l'état d'ébauche, celle-ci apparaissant au final comme plus opportuniste que réfléchie. Reste la prestation de Tahar Rahim, dont le personnage, au charme rustre et à la spontanéité désarmante, ferait malheureusement presque sourire à force de naïveté adolescente. Dommage.