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Festival
Festival de Deauville 2019 : Mardi 10 septembre
Sous un grand soleil matinal, quoi de mieux que de voire le documentaire "The Biggest Little Farm" (Tout est possible) de John Chester. L'homme raconte en voix-off, comment à partir d'une promesse faite à leur chien, sa femme et lui ont réalisé son rêve (à elle) de construire une ferme. Mais pas n'importe quelle ferme. Une ferme la biodynamique. Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire une ferme qui revitalise le sol tout en fonctionnant, une ferme où il existe la plus grande biodiversité possible, animale et végétale. Magnifiquement filmée (John Chester était cameraman documentaire) cette histoire de vie est très inspirante. John Chester parvient à faire ressentir l'angoisse et la joie absolues qui ont été les leurs pendant toutes ces années et qui continuent encore. Le film est présenté dans la sélection, Les Docs de l'Oncle Sam.
Changement de salle et arrivée au CID pour voir, en compétition, "Bull" d'Annie Silverstein, présenté à Un Certain Regard à Cannes. Jusque-là sans doute le meilleur film de la compétition pour nous. "Bull" raconte l'histoire de Krys, une ado de 14 ans qui va avec sa petite sœur chez sa grand-mère, car sa mère et en prison. L'absence de modèle et d'objectifs poussent Krys à faire un peu n'importe quoi, comme par exemple organiser une fête dans la maison de son voisin pendant qu'il est absent pour un rodéo. Quand Abe (le voisin en question) le découvre, il va appeler la police, puis va revenir sur sa décision et demande à la jeune fille de l'aider. Avec parfois des airs de "Million Dollar Baby" et de "Grand Torino", ce film, qui ne tente jamais de percer l'intériorité de ses personnages, propose deux portraits contemporains très touchants.
La journée se poursuit avec la conférence de presse de Geena Davis à laquelle vient se joindre Sandrine Brauer du collectif 5050x2020.
L'actrice revient sur sa carrière et ses convictions et la nécessité pour elle de choisir toujours des rôles qui impliquent un grand travail d'actrice, mais aussi la possibilité, car elle est trop rare, de permettre à des spectatrices de sortir de la salle inspirées. Elle explique qu'il n'y a pas de progrès en ce qui concerne les femmes réalisatrices aux États-Unis, alors qu'elles représentent la moitié des contingents des écoles de cinéma. Sans être pour les quotas, qui lui semblent incompatibles avec l'industrie créative, elle soutient grandement l'initiative de festival qui impose 5050 dans les sélections. Sandrine Brauer revient sur cette idée et explique que si en France, 24% des films sont faits par des femmes, ce qui est l'un des meilleurs scores en Europe, cela cache aussi que les femmes font moins de films en moyenne et pour un budget moyen de 2 millions inférieurs à celui des hommes, ce qui veut dire que beaucoup moins de celles-ci ont une carrière en tant que réalisatrices.
La journée s'est poursuivie avec la projection, en compétition de "The Wolf Hour" d'Alistair Griffin Banks. Le film est plutôt une déception, car outre une Naomi Watts qui donne tout en autrice agoraphobe qui ne parvient pas à sortir de son appartement miteux à New York et qui est harcelée par un interphone mystère, il n'y a pas grand chose d'autre.
Un autre film en compétition est venu chasser le précédent sur nos rétines et sur l'écran du Casino Barrière : "Knives and Skin" de Jennifer Reeder. On voit beaucoup de David Lynch dans cette histoire où une pseudo Laura Palmer (Carolyn Turner) disparaît mystérieusement après un rendez-vous qui s'est mal passé. Des effets visuels très cheap, des costumes toujours plus outranciers, des personnages psychotiques et d'autres qui semblent en décalage complet avec le monde, semblent rappeler la patte du maître, créateur de "Twin Peaks". Mais le côté paillette et plein jour ne rend pas bien, de même que le manque de profondeur psychologique des personnages qui les rend caricaturaux. Jennifer Reeder semble vraiment s'en sortir quand elle se liberté de ses références, dans des scènes féministes très fortes. Un avis en demi teinte donc.
Enfin, la journée s'est finie sur la nouvelle bombe du cinéma noir américain, produit par Spike Lee : "American Skin" de Nate Parker. Pour un projet de fin d'études, des élèves décident de rencontrer Lincoln Jefferson, un vétéran de la guerre en Irak dont le fils a été abattu lors d'un contrôle de police de routine. Quand le procès du policier le déclare non-coupable, Lincoln, se sentant plus impuissant que jamais, prend les choses en main. Extrêmement bien écrit et bien pensé, ce film, qui prend vite la forme d'un procès, fait du spectateur le 13e membre du jury. Révélant une à une les inconsistances d'un système oppresseur et raciste, le film invite à se questionner sur ce qu'il est possible de faire. Très beau et très efficace, Nate Parker crève l'écran.
Et une deuxième journée qui se termine à Deauville.