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Festival d’Annecy 2020 : Jour 2, "The Nose", "Ginger’s Tale", des courts et un sympathique "Jungle Beat"
Le Festival d’Annecy se poursuit, entre deux films russes en compétition, des animaux de la jungle découvrant la parole grâce à un extra-terrestre et une première volée de courts métrages en compétition.
Pas facile de prioriser ses visionnements en ligne, du fait à la fois de la quantité impressionnante de l’offre, mais aussi de la liberté horaire offerte. On pourrait presque y passer ses nuits ! En attendant, cette seconde journée nous a permis de découvrir trois films en compétition, tous de facture et de tons très différents, venus pour deux de Russie et pour l’autre de l’Île Maurice. "The Nose, or the conspiracy of mavericks" est un film particulièrement intéressant, à la fois par sa manière d'amener un message sur la liberté de création (et donc d'expression) qui résonne forcément dans la Russie d'aujourd'hui, mais surtout par son graphisme, mélangeant tout un tas de techniques, de l'image live (des spectateurs dans un, puis des avions... en train de découvrir des films...), des photos et images d'archives (on plonge ici de manière ludique dans la connue paranoïa de Staline qui aura fait tomber bien des têtes dans son entourage), mais aussi du papier articulé, des éléments de tissu, de la peinture, des tableaux... Le résultat est certes complexe, évoquant la création expérimentale d'un opéra tiré du "Nez" de Nicolas Gogol (1836), mais les plusieurs niveaux de mise en abyme finissent par aboutir à une très belle scène finale, hommage aux créateurs persécutés.
Autre film russe, "Ginger's Tale" conte les déboires d'une jeune femme rousse (d'où le Ginger du titre), aux prises avec un petit ami au comportement changeant du tout au tout, à partir du moment où il découvre une pierre de feu, perdue par la reine, qui lui apporte la fortune. Tournant également autour de la création (le jeune homme est jaloux de ses collègues tailleur, chapelier et bottier), mais aussi de la cupidité, le scénario reste cependant assez classique pour un conte moral. L'animation 2D est quant à elle élégante, utilisant notamment à merveille des ambiances de couchers de soleil, et évoquant les univers de "Blanche Neige" ou "La belle au bois dormant" de Disney, y compris jusque dans le personnage de la méchante reine. Un film dans lequel quelques chansons inutiles pointent malheureusement leur nez, et qui reste à réserver aux plus petits.
Dans un tout autre style, "Jungle Beat, the movie" nous propulse, en animation 3D, entre savane et jungle, alors qu'une troupe d'animaux découvre un extra-terrestre violet aux yeux verts, marchant sur quatre tentacules, et devant prouver sa valeur à son père en prenant possession de la planète. Si la manière d'amener la découverte de la parole par les animaux est plutôt maladroite, la bande de personnages s'engageant dans la recherche du vaisseau du jeune alien fonctionne plutôt bien. Sa structure (un porc-épic ronchon, un rhinocéros bas du front, un singe intelligent et bavard, une éléphante peureuse), rappelle un peu, niveau caractères, celle des "As de la Jungle". Rien à redire côté animation, qui reste dans la lignée de la série télé, et quelques personnages secondaires sympathiques à se mettre sous la dent, dont trois œufs d'autruche qui tentent de se faire la malle et un troupeau de gnous assez hilarants. La dernière partie manque cependant un peu de peps, et l'humour absurde qui pointe son nez aurait sans doute mérité plus de place.
Délaissons quelque peu les longs métrages, car il est temps de s’intéresser aux très nombreux courts-métrages que propose cette édition Online. Dans le Programme 1 de la Compétition Officielle, on aura déjà eu droit à un festival de techniques, pour des récits pas forcément tous limpides mais titillant l’imagination. Dans une animation 2D classique, on retrouve "Kosmonaut", évocation amère aux couleurs éteintes des souvenirs d'un astronaute aujourd'hui âgé, mais aussi "Murder in the Cathedral", film croate à l'humour noir assumé, suivant une détective anglaise plus intéressée par l'enquête que par les victimes, qu'elle laisse périr sciemment ou non, avant de se lancer dans son investigation. "Genius Loci" frappe par sa capacité à donner à voir le volume (de petits rectangles peints créent une multitude de nuances...) ou à le suggérer tout en effaçant les angles, d'une pièce par exemple. Un film graphiquement fascinant. Mais c'est surtout "Gorodskaya Koza" ("Urban Goat", film russe), au trait simple alliant coloriage et peinture, qui s'avère attachant, avec son personnage de chèvre médecin rêvant d'un loup musclé et ne prêtant pas attention à un chien attentionné. Les changements de teintes dominantes, correspondant à différents états d'esprits, sont particulièrement réussis.
En stop-motion, l'humour nordique à la Roy Andersson de Niki Lindroth Von Bahr (déjà primée à Annecy), dans "Nägot at minnas" est toujours efficace, évoquant la crise et une société en pleine déprime au travers des chants d'animaux vêtus de vêtements (escargot, pigeon, taupe, souris…) et mis dans des situations humaines quotidiennes. Les autres films mêlent les techniques. "La viande" ("Carne") balaye les niveaux de cuisson de celle-ci, tout en évoquant intelligemment la vision de la femme à différents âges, ceci en alliant peinture sur assiette, objets en stop motion, aplats de couleur, aquarelle, photos rayées, argile... Enfin l'autrichien "Time O' The Signs" propose en peinture, images retravaillées et découpages, une évocation d'une journée répétitive d'un être humain. Un film politique, taclant au passage l'emprise de la Fox ou le mur israélien, et qui pourrait bien séduire le jury.