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INTERVIEW

IMMORTEL

Plutôt que d’adapter la bande dessinée, Enki Bilal a voulu revisiter la trilogie Nikopol (La foire aux immortels, La femme piège, Froid équateur). Il est d’ailleurs impossible d’adapter trois bandes dessinées en un film de deux heures. En plus, dans ce cas précis, c’est le propre auteur qui re…

© Patrice Riccota

Plutôt que d'adapter la bande dessinée, Enki Bilal a voulu revisiter la trilogie Nikopol (La foire aux immortels, La femme piège, Froid équateur). Il est d'ailleurs impossible d'adapter trois bandes dessinées en un film de deux heures. En plus, dans ce cas précis, c'est le propre auteur qui revisite son œuvre pour en faire un film. On retrouve des éléments de la bande dessinée mais il ne fallait pas que les acteurs ressemblent aux personnages de la trilogie. Dans cette aventure, il y a quelque chose d'hybride pour Enki Bilal, comme son parcours personnel de l'ex-Yougoslavie à la France.

Le film a été tourné en anglais, et la version française est plus qu'une version doublée, elle a été retravaillée. C'est un film qui a deux entités car les personnages sont atypiques. La poésie de Baudelaire, déjà présente dans la bande dessinée et autobiographique n'a pas le même ressenti dans les deux versions. C'est le poète qui a le plus impressionné Enki Bilal lorsqu'il est arrivé en France.

Pour le dessinateur/réalisateur, le fait que ce ne soit pas des personnages parfaits au niveau de l'image de synthèse, montre que les gens, à force d'obsession du pouvoir, finissent par perdre leur humanité. La vision manichéenne de Algood, par exemple, est à l'image de l'Amérique de Bush.

Dans Immortel, il y a beaucoup de références, comme les panneaux et slogans publicitaires ou le « Lève-toi et marches » de Horus à Nikopol. C'est un film qui est plein de second degré : une intention totalement assumée par le réalisateur. Ce qui compte avant tout, c'est d'avoir fait un film qui n'est pas dans le standard. Beaucoup attendaient Enki Bilal au tournant sur l'image, mais ce qui se passe dans le film, c'est la poésie et l'amour. Ce qu'il préfère, c'est l'inconnu, il aime que tout ne soit pas expliqué : on ne sait pas pourquoi Horus va perdre l'immortalité mais ce n'est pas le plus important.

Pour le rôle de Jill, Enki Bilal voulait une actrice peu connue. Il n'aime pas les étiquettes comme celles que l'on donnait à Linda Hardy et à lui : pourquoi un dessinateur ne pourrait pas réaliser aussi ? Selon lui, Immortel est un film réaliste et à multi-sens : chacun le sent et le comprend à sa manière. Le parti pris pour le personnage de Jill, n'était pas d'obetnir une transformation visuelle à l'américaine où tout est montré. C'est une série d'éléments qui raconte l'histoire d'un personnage qui se constitue alors qu'il existe déjà.

Quant à Linda Hardy, elle connaissait peu l'univers du dessinateur, mais pense que d'une certaine manière c'est une bonne chose, car il valait mieux ne pas être trop envahi par des personnages existants. Elle a travaillé sur sa démarche qui était plus celle d'un mannequin que celle que devait avoir Jill. Pour elle, le fait de se raser les cheveux, c'est être mise à nu, plus vulnérable, ça ramène à des choses plus profondes, essentielles de ce que nous sommes. Le personnage a l'apparence d'une jeune femme, mais c'est comme si elle venait juste de naître, un personnage extrêmement instinctif et animal, qui n'a pas de repères, comme un enfant. Son seul repère, c'est John, à l'image d'un père protecteur à qui elle obéit aveuglement. Le fait de tourner en anglais était amusant car Linda Hardy était comme Jill, sans repères, débarrassée de tout tics de langage. Elle voit dans Nikopol, à la fois l'amant et l'ennemi de Jill, comme c'est parfois le cas dans la vie.

Anthony REVOIR Envoyer un message au rédacteur

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