INTERVIEW
DÉCALAGE HORAIRE
Dans la bibliothèque de l’Institut Lumière, Christopher Thompson répond aux questions sur son travail de scénariste sur le film » Décalage Horaire « , signé par sa mère, Danièle.
Interrogé sur sa manière de travailler avec elle à l’écriture du scénario, il déclare que les choses fure…
Dans la bibliothèque de l'Institut Lumière, Christopher Thompson répond aux questions sur son travail de scénariste sur le film " Décalage Horaire ", signé par sa mère, Danièle.
Interrogé sur sa manière de travailler avec elle à l'écriture du scénario, il déclare que les choses furent plus faciles cette fois-ci, car il s'agit de leur second scénario (le premier étant 'La buche'), et que les problèmes classiques liés au travail en commun sont donc déjà connus. L'expérience était pour lui enrichissante.
Le thème de la famille, ne luis semble pas être le cœur de ce film, alors qu'il était le sujet principal de " La Bûche ". C'est surtout la thématique de 'la transmission' qui serait importante aux yeux de Danièle Thompson. Dans " Décalage Horaire ", les gens sont coupés de tout, ils ne se parlent pas l'un l'autre de leurs parents. Juliette Binoche joue une femme qui a du mal à être seule. Sa mère l'appelle sans cesse, elle a besoin d'elle. Dans l'aéroport, c'est l'a première fois que personne ne sait où elle se trouve. Elle a cependant du mal à s'isoler (le portable…). Mais pour Christopher, c'est dans ces moments d'isolement que les vies peuvent changer.
Par rapport à " La bûche ", il trouve que la difficulté liée à la présence de deux uniques personnages, était plus au niveau de la construction (la solitude doit être rendue au milieu de la foule, les éléments de décors et de contexte sont réduits au minimum, dans la chambre par exemple : le sac, le maquillage, la télé…), qu'au niveau du passage des " micro-humeurs " au travers du dialogue. Ils ont du travailler sur une succession de ressentis l'un par rapport à l'autres, différents.
Quand on lui dit que l'approche du couple semble assez théâtrale, il rétorque que l'utilisation du temps et de l'image en sont très loin. Les acteurs n'ont pas été choisis, parce qu'ils ont travaillé aux US (Réno joue un français exilé aux Etats Unis). Mais le fait que ces rôles aillent contre les à priori sur leurs types de prestations (Réno n'est pas romantique, Binoche ne joue pas dans des comédies) a été intéressant. Ainsi, " leurs rôles ne sont pas loin d'eux, mais loin de leur image ".
Danièle Thompson rejoint Christopher à la table, pour la suite de l'entretien, à deux voies.
Danièle explique que le scénario de base était entre un américain et une française, qu'elle l'a vendu aux USA, où il a été retravaillé par plusieurs scénaristes. Elle avait de temps à autres des retours de nouvelles versions. Mais les producteurs américains trouvaient que c'était 'très français'. Ils avaient peur de l'unité de lieu et de temps. Ils voulaient donc qu'on découvre leur contexte (famille…). Quand elle a décider de reprendre ce scénario, elle a souhaité rester sur les deux personnages, plongés dans un seul lieu.
Elle nous apprend que le tournage n'a pas eu lieu dans l'ordre chronologique. L'équipe a en fait perdu toutes ses autorisations de tournage à Roissy dès le 12 septembre, lendemain des attentats. Il sont quand même pu tourner dans le hall F, pendant deux fois 5 jours. Il avait un côté cathédrale, très cinématographique. Le tournage en chambre s'est alors fait en studio.
Lorsqu'elle écrivait un scénario, elle a toujours imaginé ce qu'on verrait à l'écran. Le fait de réaliser n'a donc pas réellement changé ses pratiques. Ce qui lui plaît, c'est de " traiter avec humour des personnages qui vont très mal ". Dans l'écriture du scénario, il y a tout, sauf peut-être l'interaction entre les acteurs, leurs visages.
Pour le film, Binoche a trouvé une manière particulière de marcher et de parler. Ce fut un gros travail sur la façon d'être. Elle devait être positive et malheureuse, fragile et en rébellion. Danièle Thompson a travaillé sur le côté très charnel dans les manières de faire ou de vivre. Ainsi, quand Réno renifle la nourriture, c'était écrit, mais cela ne prend consistance qu'avec l'acteur.
Lui, a du beaucoup travailler sur le découpage culinaire, 'il s'est un peu charcuté', pour passer pour un cuistot, dans la scène de la cuisine. C'est une scène clé du film. Pour la première fois, elle le voit différemment. La cuisine est quelque chose de sensuel (la chaleur, les odeurs, la générosité), c'est aussi un retour aux sources pour lui, signe qu'il va régler les vrais problèmes.
Pour les scènes dans la chambre, la réalisatrice avait peur que l'enfermement en fasse une scène statique. Ils se sont longtemps demandé comment les en faire sortir en fin de film. Mais, pour elle, le film démarre en définitive lorsqu'ils rentrent dans cette chambre. Le film se base finalement sur toute la magie, l'idée de la rencontre, que chacun a connu dans sa vie : cette sensation de vide, " ce truc incroyable quand l'autre est parti ".
Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur