INTERVIEW
UNE VIE TOUTE NEUVE
Journaliste:
Est-ce que votre film est totalement autobiographique, ou seulement en partie ?
Ounie Lecomte :
Je me suis nourrie de mon expérience personnelle, mais il a fallut trouver une transposition dans la fiction. Je dirais que c’est proche de moi, car j’ai puisé dans mes…
Journaliste:
Est-ce que votre film est totalement autobiographique, ou seulement en partie ?
Ounie Lecomte :
Je me suis nourrie de mon expérience personnelle, mais il a fallut trouver une transposition dans la fiction. Je dirais que c’est proche de moi, car j’ai puisé dans mes émotions personnelles, donc intimement je m’y reconnais. Mais en même temps, dans les faits, ça ne s’est pas passé exactement de cette manière-là. J’ai emprunté certains éléments car il fallait recomposer une certaine réalité. Je ne me souviens que de certaines petites choses. Jin-Hee se lie d’amitié avec Sook-Hee qu’au bout d’un long moment, car il lui faut du temps pour nouer des liens. Mais quand ça lui arrive, elle est confrontée à une autre séparation. Et ce sentiment m’est resté très fort. L’impression qu’à partir de ce moment là, plus rien ne peut durer. Pour le personnage de l’adolescente handicapée, pendant l’écriture, ce handicap n’arrêtait pas de passer de personnage en personnage. Sur une petite fille d’abord, puis sur la nourrice. Je ne savais pas vraiment pourquoi, mais j’avais besoin qu’un personnage boîte. Et ce n’est que lorsque je suis retournée dans l’orphelinat que les sœurs m’ont dit qu'alors il y avait une jeune fille de 20 ans qui était fortement handicapée.
Journaliste:
Comment se fait-il qu’en Corée du Sud on puisse abandonner son enfant en toute impunité. N’y avait-il pas de lois contre ça ?
Ounie Lecomte :
Dans le film, il n’est jamais question d’abandon. Car effectivement, et c’est une chose qui m’a frappé quand j’ai retrouvé les documents de mon adoption signés par mon père, il est nullement spécifié qu’il m’abandonne. Il est simplement mentionné que le parent et la famille se défont de leurs droits parentaux. On peut trouver que c’est un manière détournée pour ne pas exprimer l’abandon. Néanmoins, je pense que dans leur esprit c’était une façon de donner une autre vie à l’enfant. C’était une façon de le mettre sous tutelle avant que l’adoption se fasse.
Journaliste:
Comment s’est déroulé le tournage avec les enfants ?
Ounie Lecomte :
Ce fut très intense. On a filmé pendant 40 jours dans la continuité de l’histoire. La petite fille qui interprète Jin-Hee n’avait pas lu le scénario, elle découvrait le film au fur et à mesure. Choisir un acteur, c’est quelque chose d’un peu fou, d’un peu magique. C’est un pari aussi, et ce que j’ai trouvé admirable chez cette petite fille, c’est qu’elle était d’une grande persévérance pour son âge, et révélait ainsi une certaine maturité. Elle n’a jamais fait de caprice. Cette persévérance me donnait l’impression qu’elle était le personnage, alors que dans sa vie, la petite fille est totalement différente.
Journaliste:
“Une vie toute neuve” est votre premier film, car vous êtes aussi costumière et actrice. C’est un projet qui vous tenait à cœur depuis longtemps ?
Ounie Lecomte :
En fait c‘est quelque chose qui s’est un peu imposé à moi. J’avais commencé à écrire une histoire qui se passait en France. C’était une petite fille qui partait en vacances avec son père. Le père allait se baigner et ne revenait pas. Elle était alors confrontée à la disparition de se père, qu’on supposait mort mais sans retrouver son corps. je me suis bloquée au bout de 10-15 pages, Je n’arrivais plus à écrire. Je me suis rendue compte plus tard que que je voulais raconter de manière lointaine mon expérience de l’abandon. En prenant conscience de cela, j’ai réalisé qu’il fallait que je me confronte à cela. Ce n’est pas une décision que j’ai prise, c’est revenu en surface me hanter, et il a fallu que je fasse face à cela.