INTERVIEW
UN FIL A LA PATTE
Emmanuelle Béart arrive, cachée derrière d’énormes lunettes noires, et tente de nous faire sourire entre deux toux : « Je vais essayer d’aller jusqu’au bout… de l’interview je veux dire, pas de ma vie », tout ça pour s’éclipser 5 minutes plus tard avec une nouvelle pique d’humo…
Emmanuelle Béart arrive, cachée derrière d’énormes lunettes noires, et tente de nous faire sourire entre deux toux : « Je vais essayer d’aller jusqu’au bout… de l’interview je veux dire, pas de ma vie », tout ça pour s’éclipser 5 minutes plus tard avec une nouvelle pique d’humour : « Excusez-moi, je ne vais pas faire comme le pape, je vais me coucher ! » Peu importe, finalement, il nous reste le couple Deville pour essayer de nous expliquer pourquoi il faut aller voir leur film !
Alors pourquoi cette "idée" d’adapter Feydeau ? Rosalinde Deville parle d’une volonté de moderniser un peu la pièce : « L’idée c’est de regarder Feydeau aujourd’hui. Pas adapter un Feydeau, mais que Michel filme un Feydeau. Le troisième acte est ré-écrit complètement car la fin originale était plus conventionnelle, et pourtant la fin du film est très proche de Feydeau. Le dialogue est ré-écrit mais pas pour que ça s’entende ».
Lorsqu’on s’étonne que le film n’ait pas inscrit l’histoire dans une période plus contemporaine, Rosalinde se défend : « La modernité ce n’est pas une époque mais un regard, une question de point de vue. Il y a une idée provocante chez Lucette, mais aujourd’hui il est difficile de choquer : on voit des jeans’ à trous, etc… Mais finalement on est proche de thèmes d’aujourd’hui : une chanteuse qui a envie de réussir, l’adultère… Ca existait déjà mais ce n’était peut-être pas aussi lugubre qu’aujourd’hui.
L’adultère n’est pas un drame car la jeune fille ne l’aime pas. Elle trouve ça presque marrant de le voir en action ! Je ne suis pas sûre que cette légèreté soit possible dans un contexte actuel ». Finalement la modernisation semble très "subtile", d’autant que Michel Deville rajoute : « La musique de Gounod est plus enclin à être utilisée pour cette époque. Quant au portable dans le film, c’est une exception, il s’agissait d’ailleurs d’une improvisation. Mais en mettre plus aurait été trop facile. »
Quid de Mathieu Demy qui dit pardon au caméraman ? « J’aime montrer que la caméra existe car elle fait partie du film. La technique doit s’amuser aussi ! Par exemple, le travelling qui suit le personnage nu, les couleurs, le son du battement de cœur… » Quant aux acteurs, il fallait rigoler aussi, semble-t-il : « Comme des enfants, mes comédiens se sont plus amusés parce qu’ils étaient déguisés ! » Par ailleurs, « il n’y a pas 2 ou 3 vedettes mais 11 acteurs principaux, d’où le choix de l’ordre alphabétique dans le générique… même si Béart et Berling apparaissent en premier ! Sur le tournage, il n’y avait aucune jalousie. Ils se découvraient car ils ne se connaissaient pas, à part Emmanuelle Béart et Charles Berling. On faisait peu de répétitions pour garder la fraîcheur des premières prises. »
Lorsqu’on lui reproche de ne pas s’être affranchi assez du théâtre pour l’utilisation de l’espace, Michel Deville s’offusque gentiment : « Il n’y a que 3 décors dans la pièce : le salon de Lucette, la chambre de la baronne et le palier de Bois-d’Enghien. Dans le film il y a beaucoup plus de décors dont des extérieurs. » A propos des décors, Rosalinde précise, comme pour amadouer les journalistes lyonnais, que « dans le troisième acte, on est parti d’une ambiance lyonnaise, entre un hôtel particulier existant dans le Vieux-Lyon pour les escaliers, et une reconstitution de l’appartement dans le Studio 24 (ndlr : à Villeurbanne) ». Malheureusement, pas dit que cela nous aide à mieux apprécier le film !
Raphaël Jullien Envoyer un message au rédacteur