INTERVIEW
NOUVEAU DEPART
Lors du festival Panorama du cinéma Européen de Meyzieu, nous avons eu la chance de rencontrer le réalisateur d’un des films en compétition, César Martinez Herrada. Cette rencontre, et c’est une première pour nous, a eu lieu en tête à tête, ou presque, car la barrière de la langue nous obl…
Lors du festival Panorama du cinéma Européen de Meyzieu, nous avons eu la chance de rencontrer le réalisateur d'un des films en compétition, César Martinez Herrada. Cette rencontre, et c'est une première pour nous, a eu lieu en tête à tête, ou presque, car la barrière de la langue nous obligeait à avoir une fort sympathique interprète.
Abus de ciné :
Pourquoi est-ce que ce thème de la réconciliation cous touchait particulièrement ?
CM Herrada :
Mon motif avec ce film était de vouloir raconter une histoire de gens simples, de travailleurs, qui ressentent des choses, même s'ils ne savent pas forcément les exprimer. La réconciliation n'est pas pour moi le sujet principal du film. Il s'agit plutôt de la manière dont un homme se reconstruit, avec son entourage, et tente de récupérer une affection perdue.
Abus de ciné :
Pourquoi avoir choisi la moto comme symbole de la reconstruction de cet homme ?
CM Herrada :
Cette moto, c'est une métaphore visuelle. Elle représente la vie antérieure du père, quand le fils était petit. Elle est le symbole d'une époque sans problèmes, et représente donc l'affectif détruit du père. Quand tout ira bien, elle sera à nouveau neuve.
Abus de ciné :
Pourquoi avoir situé cette histoire dans le milieu des écoles de chant ?
CM Herrada :
Les travailleurs ont peu de sorties, ils participent à des associations de ce type pour avoir une vie sociale. C'est un peu une métaphore également, car le père est aujourd'hui à l'extérieur du chœur, comme il est à l'extérieur de sa relation avec sa famille. Il se resocialisera petit à petit au contact des enfants, et de cette musique, quia quelque chose de féminin.
Abus de ciné :
Comment avez-vous choisi les interprètes, et notamment celui du père ? Fallait-il qu'il sache chanter ?
CM Herrada :
Le chant n'était pas un motif pour le choix de l'acteur. J'ai l'habitude de beaucoup parler de mes personnages avec les acteurs, et de leur laisser le scénario. Après avoir vu leur réaction à la lecture de celui-ci, je sentais qu'ils vivraient leurs personnages.
Abus de ciné :
Quelles indications lui avez vous donné, notamment pour interpréter la magnifique scène où il chante devant ses propres élèves, en étant comme absent?
CM Herrada :
Je lui ai simplement dit de penser à sa femme. Toute sa souffrance ressort à ce moment là, il devait se sentir décalé, car il avait partagé le chœur avec sa femme. Avant de tourner, nous étudions les personnages ensemble. On construit en quelque sorte un passé à chacun, qu'on ne voit pas dans le film, mais qui permet d'impliqués les acteurs, qui sont alors imprégnés de leurs rôles. Il était nécessaire par exemple pour le jeune acteur, de savoir comment était un ex - toxicomane.
Abus de ciné :
Comment qualifieriez vous le personnage du meilleur ami et collègue du père? Comme pathétique, lucide, sage ?
CM Herrada :
Comme un pauvre diable, qui croit que sa vie est différente de celle du père. Mais qui est finalement aussi désastreuse. Il est plein de contradictions, et donc humain, notamment quand il le trompe, le manipule, au début, avec la recherche des cassettes.
Abus de ciné :
La dernière scène, où le père poursuit le fils jusque dans le car, était elle nécessaire ? Le film n'aurait-il pas pu s'arrêter lorsque le père trouve le mot de son fils ?
CM Herrada :
Cette scène n'était pas de le scénario au départ. Elle était pour moi nécessaire. Car d'une part, on reconnaît enfin l'utilité de la moto, qui rapproche le père et le fils et qui autorise qu'ils s'embrassent, qu'ils aient enfin un contact. Car d'autre part, elle permet de comprendre que le fils ne fuit pas, qu'il n'a simplement plus rien à faire là, que sa vie est désormais ailleurs. Enfin, elle permet de boucler le cercle, en terminant le film avec le bus, symbole de l'absence de travail au début du film, et issu symbole de nouveau départ.