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INTERVIEW

NAISSANCE DES PIEUVRES

Céline Sciamma

Réalisatrice

Abus de ciné :
Est-ce que vous auriez pu choisir un autre sport que la natation synchronisée ?

Céline Sciamma :
Le milieu de la natation synchronisée nous a accepté. Mais nous avons tourné en quelque sorte en sous marin. Ca n’est pas un milieu très ouvert et les filles n’y viv…

© Haut et Court

Abus de ciné :
Est-ce que vous auriez pu choisir un autre sport que la natation synchronisée ?

Céline Sciamma :
Le milieu de la natation synchronisée nous a accepté. Mais nous avons tourné en quelque sorte en sous marin. Ça n'est pas un milieu très ouvert et les filles n'y vivent pas, elles obéissent juste à une discipline. Ils croient toujours que j'ai fais un documentaire.

Il me fallait un sport très humide, et qui montrait les corps, autour desquels se situe l'action et les enjeux. L'eau est souvent employée comme une métaphore du désir féminin. Ici la piscine permettait de dramatiser le désir et d'introduire le malaise. À l'adolescence, les jeunes ne sont pas très à l'aise avec leur corps. Il y a de l'envie et de la honte.

Abus de ciné :
Avez-vous voulu forcer, au travers de la mise en scène, sur l'aspect réaliste du documentaire autour de la natation synchronisée ?

Céline Sciamma :
Le gros écueil avec la natation synchronisée, c'est qu'il fallait éviter le kitsch et se centrer sur le sport. Mais ce sport pour moi est métaphorique, il alimente simplement la fiction. Il m'a permis de confirmer ma démarche d'isolement des personnages. Elles communiquent à peine entre elles. Il n'y a pas d'effet de groupe comme dans la plupart des films de jeunes. Du coup, je suis moins dans le stéréotype et plus dans l'aridité.

Abus de ciné :
Vous avez aussi choisi d'isoler vos personnages du monde des adultes...

Céline Sciamma :
J'ai voulu éviter la traditionnelle confrontation avec les adultes. Comme dans les teen movies américains on a créé un univers, avec des icônes, et des mondes différents. Et puis les parents représentent forcément une interdiction, une morale, ce qui ne devait pas être présent. Comme pour l'homosexualité, je ne voulait pas traiter du coming out, qui a quelque chose de trop héroïque.

Abus de ciné :
Comme s'est déroulé le travail avec les actrices ?

Céline Sciamma :
Nous avons du faire beaucoup de travail sur la confiance, l'amitié. Il était assez facile de communiquer, car cette époque est assez récente pour moi, et à venir pour elles : je suis une femme, assez jeune. Elles ont toutes été très investies, même si les personnages sont très loin de ce qu'elles sont dans la vraie vie.

On les a trouvées par différents types de casting : sauvage (Marie), souvenir de casting et petites annonces... Marie est tellement jeune qu'elle peut faire ce qu'elle fait. La scène du dépucelage est volontairement très clinique. Tout comme cette relation, elle est faite de sacrifice, d'ascendant, d'utilisation de l'autre et d'identification.

Abus de ciné :
Comment avez-vous vécu l'accueil à Cannes ?

Céline Sciamma :
J'étais une totale inconnue, pas attendue. Le film y a été bien accueilli. Cannes c'est beaucoup de pression, l'envers du décors fait beaucoup moins rêver. Peu avant le festival, le film s'appelait "Les Pieuvres", par frilosité certainement. Mais on nous confondait déjà avec "Les Méduses" qui était présenté à la semaine de la critique. Du coup, on est revenu au titre initial du scénario "Naissance des pieuvres". Et la confusion perdure puisque je reçoit encore des textos de félicitation pour la caméra d'or (rires). C'est plutôt flatteur et agréable...

Abus de ciné :
Pourquoi avoir choisi une bande annonce entièrement musicale ?

Céline Sciamma :
Le film est assez mutique. Extraire des paroles donnait soit quelque chose de très sentimental, soit quelque chose d'effrayant car trop direct. De plus la parole donnait des clés trop banales, que je souhaitais préserver.

Abus de ciné :
Comment s'est passée la collaboration avec Para One, pour la musique ?

Céline Sciamma :
Il était aussi élève à la FEMIS en même temps que moi, mais dans la section réalisation. J'ai fais la section scénario. Il a écrit une musique très atmosphérique. Sur la BO il y a près de 15 morceaux, dont seulement 8 sont exploités dans le film.

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur

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