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INTERVIEW

GRANDES PERSONNES (LES)

© Memento Films

Journaliste:
Comment définiriez-vous la complicité qui existe entre ce père et sa fille?

Anna Novion:
C'est un peu l'absence de mère qui l'explique. Ils ont tous les deux besoin d'échapper à une forme de relation cloisonnée. Ils veulent vivre leurs vies, mais ont peur en même temps. Ils sont noués l'un à l'autre et s'assurent une protection réciproque.

Anaïs Demoustier:
Ils fonctionnent comme un couple.

Jean Pierre Darroussin:
Pour raconter l'indépendance, on met finalement en scène la dépendance, voire même la soumission.

Anaïs Demoustier:
Ca n'est pas une soumission totale. Elle a conscience qu'elle doit accepter qu'on est seul. Elle lui doit certainement choses à lui, mais elle est à un âge auquel elle ressent ce droit d'être seule.

Journaliste:
Le personnage du père frappe par son inclinaison maladive à tout vouloir planifier, organiser. C'est un homme perdu, ou a-t-il simplement cessé de vivre ?

Anna Novion:
Il a peur du vide. Sa vie s'est écroulée après sa séparation. Il est logiquement dans le manque. Et il a le sentiment d'un éloignement inéluctable. Du coup, il fait dans la surenchère dans le remplissage. Il a en fait l'angoisse de l'abandon. L'empathie naît des failles, et on en a tous. C'est ce qui rend humain. Lui, se cache derrière ses certitudes. Il aura beau se barricader, il va devoir faire face à ses failles.

Journaliste:
Comment avez-vous choisi les acteurs ? Et principalement Judith Henri, qui est trop rare au cinéma...

Anna Novion:
Pour Jean Pierre ce fut un choix rapide. Il a quelque chose de très doux, de naturel. Je savais qu'il ne serait pas dans la caricature. Il me fallait quelqu'un qui ne soit jamais agaçant et qui n'exprime pas de méchanceté. Pour Anaïs, parce qu'elle était très silencieuse sur les essais que j'ai vus en vidéo. Elle exprime beaucoup de choses: on sent ce qui bouillonne à l'intérieur. Et Judith Henri justement parce qu'on la voit trop rarement. Elle n'est pas forcément très connue et je l'ai voulue à contre-emploi, car elle a plutôt une image de femme introvertie. Ici elle prend de la place par les mots, elle exprime ses opinions sans hésitation. Elle peut d'ailleurs blesser en étant trop franche, tout en ayant une silhouette inoffensive, gracile, qui crée un certain contraste.

Journaliste:
Dans « Les grandes personnes », la Suède est un pays magnifiqué par une photographie sublime. Vous l'avez voulue ensoleillée, loin des clichés...

Anna Novion:
Ce fut pourtant un été particulièrement catastrophique... Le paysage suit les états d'âmes des personnages. Au début ils arrivent dans une maison pleine de charme, où tout est apaisant. Avec l'arrivée des tourments, les paysages se font plus menaçants, à l'image des ciels gris lorsque Darroussin est coincé sur l'île. Nous avons aussi fait un gros travail sur le vent pour renforcer cette impression.

Journaliste:
Le film a été très bien accueilli à Cannes où il était présenté à la Semaine de la critique. Comment avez-vous vécu le festival ?

Jean Pierre Darroussin:
Ca n'était que ma troisième fois à Cannes. On fait un métier à risques, alors quand le métier conforte vos choix... c'est encourageant. On sent qu'on a pris une voie qui trouve de l'écho.

Anna Novion:
C'était émouvant, une sorte de récompense après plusieurs années de travail, un moment de grâce. Mais cela met aussi une sacré pression. On sent qu'on est devenu metteur en scène, ce qui est statut pas facile...

Anaïs Demoustier:
J'y étais déjà allée pour « Le temps du loup » de Haneke, hors compétition, mon premier rôle. C'est un vrai plaisir, même si l'accueil est parfois mitigé...

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur

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