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INTERVIEW

BYE BYE BLONDIE

Journaliste :
En arrivant, vous avez pris en photo le panneau « Séance complète » pour l’avant-première. Qu’est-ce que cela fait, en tant que réalisateur, de voir ça ?

Virginie Despentes :
Bien sûr, cela me fait super plaisir. Plaisir que ce soit à Lyon, ça a beauc…

© Happiness Distribution

Journaliste :
En arrivant, vous avez pris en photo le panneau « Séance complète » pour l’avant-première. Qu’est-ce que cela fait, en tant que réalisateur, de voir ça ?

Virginie Despentes :
Bien sûr, cela me fait super plaisir. Plaisir que ce soit à Lyon, ça a beaucoup de sens pour moi. Je ne vais pas me plaindre, mais ce fut difficile à finir comme film. Je ne dirais pas que chaque étape a été un enfer, mais chaque étape a été très difficile, ne serait-ce que financièrement, et toute cette dernière année a été compliquée… Donc, cela me fait énormément plaisir.

Journaliste :
Justement, par rapport à l’accueil de votre premier film, comment avez-vous fait financer celui-ci ? Et comment avez-vous eu envie de changer de style, d’univers ?

Virginie Despentes :
J’ai fait "Baise-moi" il y a douze ans. Après, j’ai fais un documentaire, qui a pris quatre ans à exister. Et ensuite, je suis tout de suite partie sur ce film, qui a mis sept ans à se faire. Donc, de mon point de vue, je n’ai pas eu l’impression de prendre mon temps, de traîner. C’est juste que faire un film, c’est long, notamment pour trouver un financement… Surtout sur un sujet pas évident, pas vraiment familial… Et puis il est vrai qu’après "Baise-moi", les investisseurs n’accourraient pas !

Journaliste :
Vous dites que financièrement, ça a été compliqué. Mais vous avez quand même un casting prestigieux. Est-ce que cela vous a aidé ? Vous aviez choisi ces actrices dès le début du projet ?

Virginie Despentes :
Ouais, cela a plutôt permis de monter le film, au lieu de freiner quoi que ce soit. Faire un film coûte cher cher, et j’ai travaillé avec un producteur qui était une toute petite structure. Donc quand il manquait, il manquait ! On a tourné, très bien. Après, on a monté, ça allait. Et à partir de là, ça a bloqué. Mais vous savez, je crois que c’est l’histoire de beaucoup de films.

Journaliste :
Entre "Baise-moi" et "Bye Bye Blondie", vos principes de réalisation ont-ils changé ? Ou au contraire vouliez-vous rester fidèle aux mêmes caractéristiques ?

Virginie Despentes :
Le point commun évident, c’est le couple central, de Karen et Raffaela, à Emmanuelle Béart et Béatrice Dalle… Dans mon imaginaire à moi, il n’y a pas un bond quantique. Il y a même des caractéristiques, de taille ou de caractère, qui restent les mêmes. Même avec les actrices, le travail n’a pas été si différent… Après, j’ai ici travaillé avec Hélène Louvart, qui est une directrice de la photographie très exigeante, avec beaucoup de lumières, de machines. Et effectivement, ça a changé beaucoup de choses. Et cela m’intéressait de travailler de cette façon. Vous savez, moi, j’apprends à faire du cinéma en en faisant… Vu le sujet, je voulais réaliser un film de manière plutôt classique. Quitte à revenir à la forme plus ‘arrachée’ de « Baise-moi » pour le prochain film, je ne sais pas…

Journaliste :
La bande son a énormément d’importance, dans le film…

Virginie Despentes :
Comme dans le roman, c’était vraiment un aller-retour entre les années 80 et 2010, et les années 80 pour moi, c’est le punk ! Cela m’intéressait aussi, dans un film français, de balancer du gros punk français de l’époque ! Il faut qu’on chérisse ce morceau de notre patrimoine musical !

Journaliste :
La dimension romantique, presque mélancolique, du film, est surprenante dans ce genre de film. Elle est pourtant extrêmement présente, voire même magnifiée…

Virginie Despentes :
Etre romantique, cela me faisait pas peur ! (Rires) Je savais que le film serait comme à ça. C’est vraiment une comédie romantique, même si ça se passe entre deux filles, et que ça commence en hôpital psychiatrique.

Journaliste :
Donc pour vous, c’est avant tout un film d’amour ?

Virginie Despentes :
Oui. Même si le cinéma est un outil de propagande qui nous informe que le féminin doit rester le féminin, et que le masculin doit rester le masculin. Donc du moment où une fille sort de l’hétérosexualité, on est dans le décalage, qui fait que ça ne peut pas être une comédie romantique classique. Je crois que le cinéma est de plus en plus au service de l’idéologie dominante, d’où le fait que le film soit classé « tout public avec avertissement ». Alors qu’il n’y a pas de scènes d’amour, par exemple…

Journaliste :
Donc vous estimez que ce film est plus politique que le précédent ?

Virginie Despentes :
Moi, évidemment, je passe pas mon temps à les comparer, mais ils travaillent un peu sur la même chose. Ce qui dérangeait, avec « Baise-moi », c’était le rapport entre la violence et les femmes. Le fait que deux femmes puissent baiser à peu près comme des hommes, mais surtout, que des femmes prennent des flingues, et en plus des reubeus ! Ce qui n’est pas courant dans le cinéma… Et là, de la même façon, même s’il y a une histoire du cinéma lesbien, on en a vite fait le tour…

Journaliste :
Le film ressemble par moments à un reflet plus doux de « Baise-moi », moins agressif dans ce qu’il dit et montre…

Virginie Despentes :
Que le film soit plus doux que « Baise-moi », je m’en rends bien compte. Mais ce n’était pas une intention de départ. Le film, déjà, est bien moins agressif que le roman « Baise-moi ». Parce qu’entre mes vingt-trois ans et mes trente ans, j’ai appris la douceur. Et entre mes trente et mes quarante, c’est encore pire !

Journaliste :
Pourquoi le roman et le film ? L’un ne se suffisait-il pas ?

Virginie Despentes :
Franchement ? Parce que j’en ai eu l’opportunité ! Moi je voulais faire "Bel-Ami"j’avais fini mon adaptation en contemporain et j’en étais très contente, mais je voyais bien que personne n’en voulait. Du coup, quand deux producteurs sont venus me voir pour parler de "Bye Bye Blondie", j’ai vu l’opportunité de faire un film sur des choses qui m’intéressaient : le milieu des HP, le punk… Et puis je pouvais adapter mon livre différemment en en faisant une histoire d’amour entre deux femmes. Mais sinon, je ne tiens pas absolument à adapter tous mes livres ! Si j’y suis condamnée, ça m’ira très bien…

Journaliste :
Les deux adolescentes sont très bien. Comment les avez-vous choisies ?

Virginie Despentes :
Clara Ponsot est arrivé au tout début du casting, dans les trois premières. Et même si j’ai vu d’autres filles, c’est elle qui est restée. Elle me l’avait d’ailleurs dit, au début du casting, que je ne trouverais pas mieux qu’elle ! Soko, quant à elle, est chanteuse, mais je l’avais vu dans "A l’origine" de Xavier Giannoli, où elle est géniale. Donc je suis allée la voir pour lui proposer le personnage.

Journaliste :
Est-ce qu’elles ont travaillé, avec Béatrice Dalle et Emmanuelle Béart, pour construire leur personnage ?

Virginie Despentes :
Soko et Béatrice, c’était réciproque, elles ne voyaient pas l’intérêt de se voir et de se parler ! Elles se sont saluées, très cordialement, mais c’est tout. Par contre, Emmanuelle et Clara se sont plus intéressées l’une à l’autre. Clara a regardé les films d’Emmanuelle, parce que j’en avais plein, et Emmanuelle a demandé à voir les premiers rushs de Clara, afin de prendre quelques tics de parole et de gestuelle.

Journaliste :
Vous vouliez absolument travailler avec Emmanuelle ?

Virginie Despentes :
Je l’aime beaucoup. Beaucoup de ses films m’ont marquée, elle m’attirait énormément, pour l’écran. Et évidemment, avoir l’opportunité de travailler avec Emmanuelle et Béatrice, qui n’avaient jamais fait de film ensemble, et pouvoir les réunir à l’écran, je trouvais que c’était une chance incroyable.

Anthony REVOIR Envoyer un message au rédacteur

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