INTERVIEW
BOXES
Abus de ciné:
Votre film s’incrit dans une tradition théâtrale…
Jane Birkin:
Pas vraiment. Mais comme il était difficile à monter, on a voulu le faire sous forme de pièce. Le fait de n’avoir aucun financement hormis une Région, puis d’avoir été acheté après réalisati…
Abus de ciné:
Votre film s'incrit dans une tradition théâtrale...
Jane Birkin:
Pas vraiment. Mais comme il était difficile à monter, on a voulu le faire sous forme de pièce. Le fait de n'avoir aucun financement hormis une Région, puis d'avoir été acheté après réalisation nous a finalement peut être donné une certaine liberté. Mais le manque de moyens a généré aussi beaucoup de bricolage sur le plateau et donc d'inventivité. Le tournage a du coup été concentré sur trois semaines et demi, sous le soleil de Bretagne.
Abus de ciné:
C'est parce que vous l'avez gardé en gestation pendant près de 10 ans que votre film revêt un aspect impudique?
Jane Birkin:
Peut être qu'avec le temps je suis devenue plus juste avec les pères. Dans cette version je leur ai donné un droit de réponse. Ils peuvent présenter leur version d'une rupture.
Abus de ciné:
Les autres cinéastes ont ils été importants dans votre approche du cinéma?
Jane Birkin:
J'ai empreinté à Agnès Varda sa monteuse... et sa première assistante. Pour ne pas être trahi, il faudrait faire le film soi-même. J'ai en tous cas essayé de capter les « moments magiques ». Mais je suis partie d'un scénario très écrit, avec des anecdotes de mon enfance anglaise. Le film est un peu construit comme un rêve, avec une certaine logique de rêve.
Abus de ciné:
Ce film aurait-il pu être un livre, autobiographique?
Jean Birkin:
Non, on a trouvé la bonne forme avec le film. Au fond je suis hantée par la question: est-ce que j'ai été une bonne mère? Et aussi par celle d'avoir dit ce qu'il fallait dire avant que mon père parte?
Abus de ciné:
Est-ce que vous vous reconnaissez dans le film?
Jane Birkin:
Oui, comme j'étais il y a 10 ans. A 49 ans on a peur de la ménopose, on a encore des filles qui traînent dans la maison. A 63 ans on a changé de position. On n'est plus au centre, mais on reste j'espère un pilier. Rosanna Arquette avait refusé de jouer le rôle deux ans auparavant. Du coup je l'ai repris.
Pour mes filles, Natacha Reigner avait la douceur d'une tragédienne. Lou, car Charlotte ne voulait pas, était devenue trop grande pour la fille de 12 ans, devait être une introvertie en deuil. Bénichou était formidable. Je voulais aussi Girardot et Chéreau, mais lui ne voulait pas refaire l'acteur. Du coup j'ai pris Tchéky, mais avec la moustache à cause du film des frères Taviani. Piccoli, lui, a accepté tout de suite. C'est un père parfois cruel mais drôle. Quant à Géraldine Chaplin, elle avait l'essence d'une mère, extravagante.
C'est un peu une déclaration d'amour à ma famille tout cela.
Abus de ciné:
Vous avez eu envie de donner une nouvelle image de vous?
Jane Birkin:
Non. C'est simplement inspiré de mes doutes, de mes craintes. On y voit des hommes qui ne sont pas parfaits. Les lâches sont plus intéressants: ils sont médiocres, menteurs et doutent. Au cinéma, j'aime lorsqu'on comprend tous les points de vue.