INTERVIEW
AFTERSCHOOL
Présent au festival de Deauville pour parler de son premier long-métrage, Antonio Campos se livre aux journalistes.
Journaliste :
Est-ce que les vidéos que l’on met sur Internet sont la prochaine drogue des jeunes américains d’aujourd’hui ?
Antonio Campos :
Je ne pense pas…
Présent au festival de Deauville pour parler de son premier long-métrage, Antonio Campos se livre aux journalistes.
Journaliste :
Est-ce que les vidéos que l'on met sur Internet sont la prochaine drogue des jeunes américains d'aujourd'hui ?
Antonio Campos :
Je ne pense pas que cette obsession de capturer la vie à travers des vidéos soit spécifiquement américaine, c'est une obsession mondiale, comme le sexe et la drogue ont toujours pu être présents dans le quotidien. Et ces thèmes seront toujours omniprésents dans la société. Il me semble que les jeunes entreront toujours en contact avec ces choses là quoi qu'on fasse.
Contrairement au personnage de mon film, je n'ai pas été dans une école préparatoire, j'ai été dans une école à New York où les gens étaient divisés en deux catégories, celle des classes moyennes - dont je faisais partie - et celle des ados très fortunés. Ces derniers recevaient beaucoup d'argent de leurs parents, c'est presque le seul moyen que les parents ont trouvé pour interagir avec leurs enfants. Le problème est que les parents ne sont même pas au courant de ce que leurs enfants font avec ! Et que fait un jeune avec un gros paquet d'argent ? Il le dépense principalement dans la drogue comme la cocaïne. Certes mes amis et moi ne sommes pas tous "blancs", mais l'extrême vient de cette classe d'adolescents qui va au plus loin de ce qu'elle peut.
En ce moment le tableau dressé par le cinéma américain est, en effet, un peu noir mais je pense que ce qu'on vit est une période de transition comme il y en a déjà eu. Tout marche par cycle... Aujourd'hui, avec Internet, il y a une période d'adaptation qui est inévitable, d'apprentissage pour appréhender ces nouvelles technologies et pour vivre avec. Mais dans le futur, je ne sais pas ce qui va passer et ce n'est d'ailleurs pas le message du film. Je n'ai pas tenté de dire quoique ce soit sur l'avenir, c'est au spectateur de tirer ses propres conclusions ! Pour ma part, j'ai juste voulu documenter, juste voulu montrer ce que j'ai vu de la manière la plus claire et la plus honnête possible.
Ce que je pense par rapport à Youtube, par exemple, c'est qu'il y a réellement une obsession actuelle de faire et de regarder des vidéos. Les gens ne peuvent plus s'arrêter de regarder pendant des heures des dizaines de vidéos ! C'est devenu une fascination et une obsession. N'importe qui peut faire ces vidéos aujourd'hui ! Selon moi, ça peut être dangereux, par exemple, il y a de plus en plus de jeunes filles au Etats-Unis qui provoquent des combats juste pour les filmer et pour avoir le plaisir de les mettre ensuite sur Youtube ou Myspace. Il est arrivé plusieurs fois que des filles en choisissent une dans la rue au hasard, qu'elle la roue de coups juste pour le plaisir... Pour moi c'est une dérive effrayante que j'observe actuellement.
Pour revenir sur la drogue aux Etats-Unis, il est évident qu'il s'agit d'un problème. Mais dans les années 80, il y avait énormément de gens qui se droguaient aussi. Ca a toujours été un problème de la société. Quand on fait un film, on le fait sur une certaine situation. Les films ne sont pas des indicateurs de ce qui se passe. Il ne faut pas prendre les choses pour argent comptant ! C'est juste un fragment de ce qui se passe... Quand je fais un film, je me concentre sur un problème.
Journaliste :
N'auriez-vous pas pu traiter votre sujet de manière plus abordable ?
Antonio Campos :
Mon film n'est évidemment pas un film grand public. Mais si j'avais voulu le rendre plus accessible, je ne l’aurais tout simplement pas fait comme ça ! Pour mon premier long-métrage, je voulais faire les choses de la manière dont j'avais vraiment envie. Faire un film plus accessible, ça aurait été contraire à mes principes, à ce que je suis, même si on ne le fait pas pour soi-même ! Il est vrai qu'on espère qu'un maximum de personnes le verra et l'appréciera, mais comme l'ensemble des réalisateurs que j'apprécie, je fais des films comme j'ai envie de les réaliser. Pour mes suivants ce sera pareil !
Je crois qu'à un moment donné le public suit, accroche et entre en communion avec le style de narration du réalisateur. J'ai envie, moi aussi, de laisser le temps au temps et de rester fidèle et intègre à ma vision des choses. MON "Afterschool", c'est une des nombreuses manières de raconter l'histoire. En tout cas, c'est ma manière ! Si on va voir un film sans préjugé et avec un esprit ouvert, on va vivre une expérience unique, différente. Et je pense que le public peut s'adapter et apprécier cette vision qui est la mienne.
Journaliste :
Vous avez déclaré avoir mis beaucoup de vous dans le personnage principal du film. Est-ce que l'écriture du film et du personnage a agit sur vous comme une thérapie ?
Antonio Campos :
Robert, le personnage du film, ce n'est pas moi exactement, je n'étais pas aussi introverti que lui ! Mais il est vrai que j'avais beaucoup de colère en moi que j'avais accumulée au fil des années. Dans "Afterschool", Robert est comme un personnage flou, indéfini, contrairement à ceux qui sont très clairs psychologiquement comme des archétypes ! C'est ce que j'ai voulu rendre. Chaque film est une expérience très importante pour moi, c'est comme une catharsis. J'aime écire des choses que je pense mais que je ne dirai jamais ! C'est quelque chose d'effrayant et d'excitant à la fois ! A chaque fin de film - j'ai déjà fait plusieurs courts-métrages - je sens que j'en ai terminé avec quelque chose, avec un problème auquel je pensais depuis longtemps ! Avec "Afterschool", j'ai fermé la page du livre des problèmes que j'ai eu adolescent. L'adolescence, pour moi, c'est une période de transition où j'avais accumulé beaucoup d'interrogations, de colère et je suis arrivé à être en paix avec tout ça à la fin du tournage d'"Afterschool" ! C'est une période importante pour moi, j'aime raconter ces ados qui ne savent pas encore qui ils sont et qui se battent pour le découvrir...
Journaliste :
Quelles étaient les activités en dehors des cours que vous pratiquiez ?
Antonio Campos :
Personnellement, je n'ai pas fait de vidéo, parce qu'il n'y avait pas de classe de vidéo dans mon école. Ce que je faisais c'était de fausses plaidoiries où on se mettait à plaider une cause imaginaire à la place d'un avocat ! J'ai fait aussi beaucoup de théâtre ! Je n'ai pas fait de sport, mais en règle générale tout ce que je faisais en dehors de l'école était en rapport avec ce que je fais depuis que j'ai treize ans c'est-à-dire faire des films. J'en faisais à la maison, avec des amis ! J'ai toujours voulu être réalisateur !