DOSSIERBilan de l'année
LES MEILLEURS FILMS DE 2023 SELON CHRISTOPHE BRANGÉ
Les mains tremblantes, la voix chevrotante, les applaudissements discrets d’une salle peu habituée à un tel discours. Le voilà, mon premier souvenir de 2023. Car j’y étais dans cette salle. Plus précisément, dans celle juste à côté, en « Debussy » comme le veut le jargon cinéphile, où un parterre moins V.I.P était également convié à suivre la cérémonie de clôture du Festival de Cannes qui avait, à juste titre, décidé de récompenser l’un des plus beaux films de l’année écoulée. Mais de ces longues minutes qui ont sacré le cinéma français et une réalisatrice au summum de son talent scénaristique, c’est à ce court discours auquel je songe en premier au moment de ce bilan. Non pas tant pour la polémique qu’il a suscité. Et si je dois être honnête, non plus pour le contenu du message. Mais pour le rappel ô combien essentiel que les quelques chanceux qui ont une voix peuvent la mettre à disposition de ceux qu’on refuse d’écouter. À l’heure où beaucoup préfèrent les autocongratulations, oser « parler vrai », raconter notre société, son état, la marchandisation actuelle de notre culture, c’est d’un courage inouï. Le faire devant le monde entier, à l’instant même où une carrière atteint son sommet, c’est au-delà de la bravoure. Parfois, les mots les plus simples suffisent à décrire notre ressentiment. Alors, MERCI, Justine Triet, pour être la cinéaste, et la personne, que vous êtes.
Même si ma mémoire est de plus en plus parcellaire – on ne rajeunit pas, comme dirait l’autre – des images de films jaillissent encore dans mon esprit. Un karaoké où le refus d’un père de chanter m’a brisé le cœur ("Aftersun"), un taxi qui s’éloigne au cœur de la nuit new-yorkaise ("Past Lives"), quelques notes au piano par Florence Pugh ("A Good Person"), la solitude d’un coquillage (oui, un coquillage ! "Marcel le coquillage (avec ses chaussures)"), l’illumination du visage d’Olivia Colman au contact d’un cinéma ("Empire of Light"), des chaises en cercle et des individus qui se livrent ("Je verrai toujours vos visages"). Heureusement, ces douze derniers mois cinéphiles se résument encore bien pour l’essentiel à ce qui se passe une fois confortablement installé dans son fauteuil rouge. Et peut-être cette année plus que les autres, j’ai ressenti à nouveau l’excitation d’attendre un projet, la joie de parler de cette exaltation collective avec mes amis, le plaisir d’adapter sa tenue à la séance du jour. Alors, merci, "Barbie" et "Oppenheimer" d’avoir montré, respectivement, qu’on peut parler de féminisme dans un blockbuster et transformer un projet à des centaines de millions de dollars en une expérience sensorielle de trois heures.
Puisque cette rétrospective s’est transformée en une expression de gratitude, je termine mes louanges par ces quelques mentions :
- Merci Sébastien Vaniček et Florent Bernard de prouver que le genre à la française a encore des heures glorieuses devant lui ;
- Merci Chiara Malta et Sébastien Laudenbach de faire rimer récit d’apprentissage et poésie ;
- Merci Ann Sirot et Raphaël Balboni pour votre humour décalé ;
- Merci Raphaël Quenard d’exister et de développer cette filmographie si électrique (initialement le mot recherché était « éclectique », mais le correcteur orthographique fut meilleur que moi) ;
- Merci Jérôme Garcin d’avoir résonné dans chacun de mes lieux de vie durant ces nombreuses années ;
- Et merci à tous ceux qui prennent le risque de sortir et diffuser des films où l’Art prime encore sur les aspects mercantiles.
TOP films
1. "Marcel le coquillage (avec ses chaussures)", de Dean Fleischer-Camp
2. "A Good Person", de Zach Braff
3. "Aftersun", de Charlotte Wells
4. "Anatomie d’une chute", de Justine Triet
5. "Past Lives - Nos vies d'avant", de Celine Song
6. "Barbie", de Greta Gerwig
7. "Empire of Light", de Sam Mendes
8. "Je verrai toujours vos visages", de Jeanne Herry
9. "Vermines", de Sébastien Vaniček
10. "Linda veut du poulet", de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach
11. "L'Enlèvement", de Marco Bellocchio
12. "Tár", de Todd Field
13. "Chien de la casse", de Jean-Baptiste Durand
14. "Mon ami robot", de Pablo Berger
15. "Le Monde après nous", de Sam Esmail
16. "Le Syndrome des amours passées", d’Ann Sirot et Raphaël Balboni
17. "Les Trois Mousquetaires - D'Artagnan", de Martin Bourboulon
18. "Spider-Man: Across the Spider-Verse", de Joaquim Dos Santos, Kemp Powers et Justin Thompson
19. "Rien à perdre", de Delphine Deloget
20. "You People", de Kenya Barris
FLOP films
1. "Gueules noires", de Mathieu Turi
2. "Entre les lignes", d’Eva Husson
3. "38°5 Quai des Orfèvres", de Benjamin Lehrer
4. "La Maison du mal", de Samuel Bodin
5. "Le Dernier Voyage du Demeter", d’André Øvredal
TOP réalisateurs-réalisatrices
1. Dean Fleischer-Camp ("Marcel le coquillage (avec ses chaussures)")
2. Zach Braff ("A Good Person")
3. Justine Triet ("Anatomie d’une chute")
4. Charlotte Wells ("Aftersun")
5. Celine Song ("Past Lives - Nos vies d'avant")
6. Sébastien Vaniček ("Vermines")
7. Marco Bellocchio ("L'Enlèvement")
8. Jeanne Herry ("Je verrai toujours vos visages")
9. Greta Gerwig ("Barbie")
10. Jean-Baptiste Durand ("Chien de la casse")
TOP acteurs
1. Paul Mescal ("Aftersun", "God’s Creatures" )
2. Ryan Gosling ("Barbie")
3. Micheal Ward ("Empire of Light")
4. Gilles Lellouche ("Je verrai toujours vos visages", "Soudain seuls")
5. Cillian Murphy ("Oppenheimer")
TOP actrices
1. Cate Blanchett ("Tár")
2. Florence Pugh ("A Good Person", "Oppenheimer")
3. Sandra Hüller ("Anatomie d’une chute")
4. Virginie Efira ("Rien à perdre")
5. Olivia Colman ("Empire of Light")
Top thématique : Le Top 5 de Raphaël Quenard en 2023 (parce qu’il était partout, et on aime ça !)
1. "Chien de la casse", de Jean-Baptiste Durand
2. "Je verrai toujours vos visages ", de Jeanne Herry
3. "Yannick", de Quentin Dupieux
4. "Sur la branche", de Marie Garel Weiss
5. "Cash", de Jérémie Rozan
Révélation de l’année
Charlotte Wells pour la beauté de son premier long métrage, "Aftersun", récit bouleversant et impressionnant de maîtrise