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HOMMAGE : Steven Spielberg (1/2)
D’aucuns se souviennent qu’à une époque le plus grand réalisateur de son temps était Steven Spielberg. Aujourd’hui ce n’est peut-être plus le cas, mais il a brigué ce mandat honorifique durant de longues, très longues années (près de deux décennies)… Imaginez un peu il est le père d’E.T., ce gentil extraterrestre, de Bruce, ce terrifiant requin blanc, d’Indiana Jones, l’éternel aventurier, et d’un T-Rex, l’effroyable bête à sang froid et qui vous fait encore froid dans le dos… C’est justement à l’occasion de la sortie 3D de "Jurassic Park" (le 1er mai 2013), ainsi que pour sa présidence du jury de Cannes cette année, qu’Abus de ciné a décidé de lui rendre un vibrant hommage à travers plusieurs dossiers. Pour commencer, nous avons choisis de lui exprimer toute notre gratitude et notre respect quant à son travail, car cinéphiles que nous sommes, nous ne pouvons pas renier le bonheur qu’il nous a procuré dans les salles obscures et l’influence qu’il a eu sur le cinéma au bout de ces près de 40 ans derrière la caméra… Alors chapeau bas Monsieur le Président et continuez à nous faire rêver !
« Spielberg et moi », par Sylvia Grandgirard
Étant née à la fin des années 1970, je fais logiquement partie de la génération E.T. Pourtant, ce que j’aime par dessus tout dans le cinéma de Spielberg, c’est sa façon de raconter de belles et grandes épopées, aventurières, historiques ou tout simplement humaines. Cinéma de l’enfance, mais aussi cinéma de l’histoire, on peut difficilement imaginer plus grand écart ! "Indiana Jones", "Empire du soleil", "La Liste de Schindler", "A.I.", "Minority Report", "Il faut sauver le soldat Ryan", "Arrête-moi si tu peux", "La Guerre des mondes"… font partie de mes films préférés. Des genres qui ne sont pourtant pas ma tasse de thé, mais qu’il a réussi à me faire aimer ! Ah, Spielberg…
Paradoxalement, les titres de films qui me viennent spontanément à l’esprit ne sont pas dans cette liste, ni même parmi ses plus grands succès. Si vous me dites Spielberg, je vous réponds "La Couleur pourpre" et "Always". Étonnant non ? Le premier parce que je me revois m’émouvoir du haut de mes 9 ans face au destin de Whoopi Goldberg alias Celie, jeune fille arrachée à sa famille et mariée de force à l’horrible Albert/Danny Glover. Le deuxième parce que ce fut mon premier Spielberg au cinéma, et qu’au plaisir de découvrir une belle histoire d’amour venait se mêler le plaisir tout simple de la salle obscure.
« Ne faut-il pas être maso pour idolâtrer Spielberg ? », par Mathieu Payan
Il y a eu Alfred Hitchcock, il y aura Steven Spielberg. Deux géants hollywoodiens dont la filiation est évidente tant les deux maîtres du cinéma de genre ont en commun, que ce soit dans les thématiques de leurs films, la représentation de leurs héros ou dans l’excellence de leur mise en scène. Spielberg a profondément marqué ma jeunesse, plus que Hitchcock –forcément découvert en pointillé au cours de mon apprentissage cinématographique. Le wonder boy d’Hollywood m’a cueilli avec deux films quand je commençais à m’enfermer dans les salles obscures et à ne plus vouloir en sortir. Un lien de cause à effet ? Certainement ! Il venait, en effet, de sortir coup sur coup son blockbuster de dinosaures ("Jurassic Park") et son œuvre la plus noire sur l’horreur des camps de concentration ("La Liste de Schindler"). Un choc. Le premier visuellement, avec ces scènes inoubliables notamment celle des enfants dans le 4x4 et ce verre d’eau qui tremble… rien que de vous l’écrire, j’en tremble encore ! Le second, dans la gravité et la maturité de son propos, sa reconstitution glaciale en noir et blanc de l’Holocauste, comme je n’en avais encore jamais vue…
Alors bien sûr, à la télévision, j’avais pu goûter aux joies des jeux de l’eau ("Les Dents de la mer"), traumatisé du haut de mes 10 ans par la terreur infligée par la musique de son fidèle compositeur John Williams et par cette ombre dans le bleu froid de l’océan qui se changeait en rouge sang sous les dents acérées du monstre. Une peur qui refaisait surface chaque été : et si Bruce le grand blanc des "Dents de la mer" – surnom qui provient du prénom de l’avocat de Spielberg – était là dans la Méditerranée ?!! On peut en rire… ou pas !
Un requin et des dinosaures plus tard, auxquels je peux ajouter les araignées et les serpents du premier volet d’Indiana Jones, une question me taraudait : ne fallait-il pas être maso pour idolâtrer Spielberg !? Et bien oui, il faut le croire ! Mais quoi de plus excitant que d’être bousculé et terrorisé au cinéma. Et pour cela, Spielberg was the man !
Mais l’homme est également un grand enfant, et c’est certainement aussi pour cette raison que je l’apprécie autant : nombre de ses films mettent en scène des jeunes confrontés à des problèmes d’adultes et d’autres où les adultes convoquent leur part d’enfance et exaltent la part d’innocence qui se trouve en eux ("E.T., l’extraterrestre", "Rencontres du troisième type", "Empire du soleil", "Hook"…).
Enfin, Spielberg c’est la dénonciation des pires travers chez l’Homme : l’esclavagisme ("La Couleur pourpre", "Amistad", "Lincoln"), la guerre et notamment le génocide juif ("La Liste de Schindler", "Il faut sauver le soldat Ryan").
Spielberg, un réalisateur de films insensés qui restent en mémoire et ne font plus voir le monde ni le cinéma comme avant. Un maître du 7e art.
« Merci pour m’avoir fait aimer le cinéma », par Christophe Brangé
Spielberg est un magicien de l’image et un incroyable conteur d’histoire. C’est ainsi tout naturellement que nombreux de mes souvenirs cinéphiles sont associés à son nom, qu’il soit derrière la caméra ou simple protecteur. Derrière sa barbe et ses lunettes, se cache, très certainement, l’un des hommes les plus influents du 7e art, son talent n’étant plus à prouver, et ce dès son premier film, "Duel", où il entraîne le spectateur sur les routes californiennes dans un thriller choc.
Aussi cinéphile que businessman, il a construit un empire – Amblin et Dreamworks, c’est lui ! – qui nous a offert un nombre incalculable de pépites. Si je devais résumer Spielberg, ce serait les requins des "Dents de la mer", le T-Rex de "Jurassic Park", un archéologue adepte du lasso avec le prénom d’un État américain, des films de science-fiction à couper le souffle ("A.I. Intelligence artificielle" et "La Quatrième Dimension" en tête), le manteau rouge de "La Liste de Schindler", un débarquement en Normandie époustouflant, un "Cheval de guerre" plus vaillant que n’importe quel soldat, un Tom Cruise perdu au milieu d’aliens ou dans un Washington (presque) sans crime…
Spielberg alterne habilement blockbusters et métrages sérieux pour ne jamais lasser le spectateur, la surprise étant toujours au rendez-vous. Ses films sont ainsi à la fois source de divertissement et de messages politiques, de pleurs et de rires, mais jamais d’ennui. Ainsi, "La Liste de Schindler" reste certainement l’un des films les plus tristes que j’ai pu voir, les mouchoirs étant recommandés lors de sa projection, tandis que j’accorde allègrement la palme du meilleur film de 2012 à son "Cheval de guerre".
Mais ce qui détonne le plus chez Spielberg est son incroyable longévité, le bougre s’entêtant à nous fournir un chef-d’œuvre à chacune de ses nombreuses réalisations. Et à chaque nouveau projet, peu importe mes a priori, je me retrouve aussi ébahi que les visages de ses personnages qu’il aime tant filmer en gros plan. Alors, si je devais ne retenir qu’un seul mot pour décrire le travail de Monsieur Spielberg, ce serait simplement « Merci », non seulement pour son travail, mais surtout pour m’avoir fait aimer le cinéma.
« Des scènes qui ont marqué d'une empreinte indélébile ma mémoire de spectateur », par Rémi Geoffroy
Résumer Spielberg en quelques lignes n'est pas une mince affaire. Comme un album de cinéma, penser à Spielberg m'évoque une série d'instantanés piochés dans sa vaste filmographie. Des scènes qui, ici ou là, en une poignée de secondes, ont réussi à marquer d'une empreinte indélébile ma mémoire de spectateur. Aussi différents que sont les genres de ses films, aussi variées que sont les émotions ressenties à leur vision. Voici donc cinq aspects qui me reviennent en pensant à ce grand cinéaste.
1/ La frayeur dans "Jurassic Park". La scène dans la cuisine où le vélociraptor saute brusquement vers la bouche d'aération, c'est à dire vers la caméra et donc vers moi. Où pour la première et dernière fois j'ai réellement poussé un cri dans le cinéma, cri aigu qui plus est, puisqu'à l'époque je n'avais pas encore mué...
2/ Le plaisir, dans "Minority Report", d'entendre la Symphonie Inachevée de Schubert tandis que John Anderton (Tom Cruise) tente de décrypter la vision de la Pré-Cog Agatha pour localiser le futur coupable d'un meurtre non encore prémédité (si vous n'avez pas vu le film, c'est normal que vous ne suiviez pas... !).
3/ L'horreur dans "Il faut sauver le soldat Ryan". La confrontation au corps à corps entre l'un des soldats américains et un soldat allemand qui se termine par un couteau s'enfonçant dans le cœur à une lenteur insupportable. Ça n'a beau être que du cinéma, rarement une telle violence ne m'aura autant traumatisé sur grand écran...
4/ Dans "Always", le cinéaste offre à Audrey Hepburn (mon actrice préférée, soit dit en passant) sont dernier rôle au cinéma, celui d'un ange. Rarement une actrice digne de ce nom n'aura eu une sortie de scène aussi appropriée, alors je n'aurais qu'une chose à dire : Steven, quelle élégance de votre part !
5/ Et s'il ne devait en rester qu'un : "Indiana Jones". Plus qu'un film (trois en l’occurrence, dont pratiquement chaque scène est culte, exit le crâne de cristal) c'est d'abord le héros de mon enfance.
Enfin, ce n'est pas le seul. Disons que sur le podium des héros de mon enfance sont à égalité Indiana Jones, James Bond, MacGyver et mon Papa. Sur les quatre, il y en a un qui désamorce une bombe avec un trombone, un qui sauve le monde à chaque mission, un qui trouve littéralement le Graal et un qui m'a appris à faire du vélo. On a tous eu des modèles dans notre enfance, alors pour un quart de ceux-ci, merci Monsieur Spielberg !