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ÉVÈNEMENT : rétrospective « Pierre Richard en cavale »
Le 20 novembre 2024, Malavida Films ressort en salles trois films avec Pierre Richard. Comme il ne s’agit pas de ses plus grands succès populaires, voilà une belle occasion de redécouvrir cet acteur culte à travers des œuvres plus ou moins iconoclastes.
UN NUAGE ENTRE LES DENTS (1974)
De Marco Pico
Avec Pierre Richard, Philippe Noiret, Claude Piéplu, Jacques Denis, Michel Peyrelon, Hélène Vincent…
Lorsque sort "Un nuage entre les dents" en 1974, Pierre Richard a déjà bien cultivé son art du burlesque et son image de personnage candide, poétique et attachant. Depuis son premier rôle notable sur grand écran en 1968 dans "Alexandre le Bienheureux" d’Yves Robert, où il côtoyait déjà Philippe Noiret, il s’est lui-même dirigé dans trois longs métrages ("Le Distrait", "Les Malheurs d’Alfred" et "Je sais rien, mais je dirai tout") et est surtout auréolé d’un succès international qui en fait une vedette au-delà de l’Hexagone : "Le Grand Blond avec une chaussure noire", à nouveau sous la direction d’Yves Robert et sur un scénario coécrit par Francis Veber. Même si les surnoms de « Distrait » et de « Grand Blond » vont lui coller à la peau à vie, Pierre Richard ose un pas de côté sous la direction de Marco Pico, qui signe sa première réalisation avec "Un nuage entre les dents" après avoir assisté Yves Robert et Pierre Richard sur plusieurs films.
Photographe de presse au côté d’un reporter cabotin incarné par Philippe Noiret, Pierre Richard donne corps à Prévot, un personnage certes tête en l’air, mais qui se montre plus colérique (voire hargneux) et surtout plus sombre que ses rôles habituels. Mal rasé, il boit plus que de raison, conduit de manière dangereuse, hurle, jure... Dans cette fable satirique dénonçant un certain type de presse qui se délecte de faits divers sordides, le duo Richard/Noiret est surnommé « les Cowboys ». Ils y sont ainsi des sortes de chasseurs de noirceur et de misère, sombrant régulièrement dans le voyeurisme, le cynisme et l’égoïsme. Tellement obnubilés par leur perpétuelle recherche d’une hypothétique gloire que leur apporteraient leurs récits et clichés, ils finissent par déclencher une série d’imbroglios et de quiproquos après avoir perdu les gosses de Prévot. S’enclenche alors une chasse à l’homme absurde, à la fois drôle et grinçante, où l’on se délecte également du personnage incarné par Claude Piéplu, patron de presse extravagant et immoral qui ne pense qu’au scoop à tout prix. À voir ou revoir absolument !
ON AURA TOUT VU ! (1976)
De Georges Lautner
Avec Pierre Richard, Miou-Miou, Jean-Pierre Marielle, Gérard Jugnot, Henri Guybet, Sabine Azéma, Renée Saint-Cyr…
Ayant continué à enchaîner les succès populaires avec Claude Zidi ("La moutarde me monte au nez" et "La Course à l’échalote") et encore Yves Robert ("Le Retour du Grand Blond"), Pierre Richard tourne ensuite pour Georges Lautner. Si le ton de "On aura tout vu !" est plus léger que dans "Un nuage entre les dents", le sujet est potentiellement délicat pour son aura auprès du public familial puisqu’il s’agit de s’amuser avec le cinéma pornographique et érotique, genre alors en plein boom depuis la fin de la censure consécutive à l’élection de Giscard à la présidence (rappelons par exemple l’immense succès d’"Emmanuelle" à cette époque).
Pierre Richard interprète un photographe (pas de presse, cette fois…) qui rêve de devenir cinéaste et qui finit par accepter, à contrecœur, que son premier scénario soit remanié pour devenir un film porno qu’il tournerait lui-même. Embarqué un peu malgré lui, ce doux rêveur est constamment embarrassé par les situations auxquelles il doit faire face, et il doit jongler entre un producteur (Jean-Pierre Marielle) et son assistant (Gérard Jugnot) qui veulent toujours plus de cul et de provocations, un copain coscénariste (Henri Guybet) qui n’est pas au courant de l’orientation du projet ou encore une petite amie (Miou-Miou) qui menace soit de le plaquer soit de postuler comme actrice dans ledit film X ! Notons que le personnage de Pierre Richard se nomme à nouveau Francis Perrin, comme dans le diptyque du « Grand Blond ». Le scénario est donc évidemment signé Francis Veber, qui le fait tourner la même année dans sa première réalisation, "Le Jouet", là encore dans la peau d’un Francis Perrin dont il retrouvera l’identité pour "La Chèvre" avant d’enchaîner sur sa variante, François Pignon, dans "Les Compères" et "Les Fugitifs". Si ce stéréotype veberien a été incarné par d’autres comédiens, seul Pierre Richard a endossé ces identités à plusieurs reprises à l’écran (et donc dans 7 fims au total).
Entre quiproquos, gags burlesques, fanfaronnades et répliques succulentes, "On aura tout vu !" est un bonbon à déguster sans modération, qui ne manque pas non plus de tendresse et qui se termine par une scène sous l’eau dans une piscine, avec un mélange d’audace et de poésie.
LA CAVALE DES FOUS (1993)
De Marco Pico
Avec Pierre Richard, Michel Piccoli, Dominique Pinon, Florence Pernel, Edith Scob, Jacques Denis, François Hadji-Lazaro …
Après "Les Fugitifs" en 1986, Pierre Richard accumule des échecs à des degrés divers, tant dans ses tentatives d’incursion dans un genre plus dramatique que dans des comédies qui ne font plus autant recette ("A gauche en sortant de l’ascenseur", en 1988, ne réussit pas autant qu’espéré). En 1991, il revient à la réalisation avec "On peut toujours rêver" (qui connaît aussi des résultats modestes au box-office) dont il coécrit le scénario avec Olivier Dazat, puis c’est le même duo qui signe le script de "La Cavale des fous", pour lequel l’acteur retrouve Marco Pico à la mise en scène, près de 20 ans après "Un nuage entre les dents".
Plutôt qu’un duo comme il en a souvent eu l’habitude, Pierre Richard se retrouve au sein d’un triangle dont il tente désespérément de gérer les deux autres sommets : deux fous incarnés par Michel Piccoli et Dominique Pinon. Conséquence des enjeux : Pierre Richard n’est pas le principal clown de service, ce rôle-là étant plutôt dévolu à Pinon. Le film marche constamment sur un fil : ce n’est pas toujours la comédie burlesque qui prend le dessus, tant il y a de scènes et thématiques faisant pencher la balance du côté du drame. Outre la psychiatrie, le long métrage parle en effet de deuil, de tentatives de meurtre, de voyeurisme ou encore de jalousie maladive, et certains dialogues sont tantôt truffés de vulgarités, tantôt imprégnés de philosophie plutôt métaphysique. L’humour en devient donc en partie grinçant, et la performance de Piccoli rend parfois l’ensemble inquiétant. Il n’est pas interdit de ressentir un certain malaise face à certaines situations (citons un étranglement avorté ou un personnage féminin incarné par François Hadji-Lazaro clairement humilié), mais il n’est pas non plus interdit de rire...