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ÉVÈNEMENT : ressortie de deux longs métrages de Bill Plympton

Le 15 mars 2023, ED Distribution ressort en salles deux longs métrages de Bill Plympton : "L’Impitoyable Lune de miel" (1997) et "Les Mutants de l’espace" (2001). Petite présentation de ces films d’animation pour adultes qui avaient tous deux obtenu le prestigieux Grand prix du festival d’Annecy.

L’IMPITOYABLE LUNE DE MIEL (I Married a Strang Person!)

Il y a fort à parier que Luis Buñuel, Salvador Dalí et consorts auraient immédiatement adopté Bill Plympton tant "L’Impitoyable Lune de miel" explore la psyché humaine avec un surréalisme sans aucune limite. L’état d’esprit est affirmé dès l’ouverture avec la mise en exergue de deux citations possiblement apocryphes : la première attribuée à Pablo Picasso (« Le bon goût est le principal ennemi de la créativité ») puis une autre dont l’auteur supposé est Hermann Goering (« Quand j’entends parler de culture, je sors mon revolver »). On l’aura compris : Bill Plympton assume ouvertement un ton provocateur et sa volonté d’envoyer valser le politiquement correct !

Bijou de caricature, ce film part volontairement dans tous les sens et accumule les excès en tout genre en s’affranchissant de tout réalisme, notamment au profit de déformations et d’irrespect des proportions. On se croirait dans un Tex Avery sous hallucinogènes croisé avec du Quentin Tarantino, du Terry Gilliam époque Monty Python, du David Cronenberg et du Russ Meyer !

En effet, Bill Plympton joue à fond la carte de l’humour mêlant l’absurde, le salace et le gore. Détournant les codes de la pornographie, du film fantastique, de la comédie musicale ou encore du road-movie, le cinéaste américain se fend d’une critique acide de la société américaine. Il passe notamment à la moulinette les conséquences de la consommation de masse, du tout-divertissement et de l’appât du gain, mais aussi plus largement les conventions sociales qui brident les libertés (les certitudes conservatrices en prennent pour leur grade).

Si tout cela va de pair avec une certaine affirmation libertaire, les fantasmes (sexuels mais pas seulement) sont tournés en dérision, ne serait-ce que par leur omniprésence qui les rend ridicules, ce que renforce le recours régulier à la métaphore explicite (voire volontairement kitsch), avec une insistance particulière sur des symboles phalliques et éjaculatoires qui pourfendent la domination masculine et le virilisme.

Visuellement prodigieux – surtout quand on sait que Plympton a tout dessiné lui-même ! - "L’Impitoyable Lune de miel" est une tornade dont on sort à la fois étourdi et hilare.

LES MUTANTS DE L’ESPACE (Mutant Aliens)

Sorti quatre ans après, "Les Mutants de l’espace" partage de nombreux points communs avec "L’Impitoyable Lune de miel", tant sur le fond que sur la forme. On retrouve par exemple de nombreuses fantaisies pornographiques caricaturant l’obsession sexuelle (et Plympton s’autorise ici d'ahurissantes allusions à l’inceste et à la zoophilie), toujours avec une imagerie régulièrement symbolique (comme ces plans dans le pantalon d’un homme dont le pénis est remplacé par tout un tas d’objets manifestant son état avancé d’excitation), mais aussi à travers un certain fétichisme pour les détails corporels montrés en gros plan (ici, Plympton va jusqu’à mettre en scène des créatures dont l’apparence se résume à un énorme nez, un œil disproportionné ou un doigt géant).

On retrouve également un humour parfois scatologique, des courses-poursuites et fusillades qui virent rapidement à l'outrance comique, ou encore une volonté de ridiculiser les puissants et les normes sociales. S’ajoute ici une plus grande place laissée à la parodie, avec une histoire de science-fiction qui semble tourner en dérision la tendance hollywoodienne à proposer des scénarios certes inventifs mais parfois délirants et incohérents. Bill Plympton s’amuse donc à nouveau avec tous types d’excès, visuels comme scénaristiques, et articule son récit autour de l’idée d’un complot fomenté au plus haut sommet de l’agence spatiale américaine. La satire vise ça et là plusieurs pans de la société, entre autres le capitalisme carnassier (un des personnages principaux a d’ailleurs des airs de Donald Trump), la bigoterie chrétienne (notamment via une séquence jubilatoire mettant en scène Jésus) ou encore le voyeurisme médiatique.

Information

« Quand Tex Avery rencontre Pulp Fiction, 2 films de Bill Plympton » sur le site officiel d’ED Distribution

Raphaël Jullien Envoyer un message au rédacteur

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