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ABUS DE BOUQUINS : La Peau de l'autre, tome 2 : Vice et Versa
En février 2022, la deuxième partie du diptyque BD "La Peau de l’autre" est sortie en librairie. Que donne la suite de cette fiction se déroulant dans l’industrie cinématographique ?
Le premier tome, "Pile et Face", qui se déroulait à Hollywood à partir de la page 41, nous avait laissé entrevoir une suite plus ancrée dans le monde du cinéma. On retrouve ainsi le héros, Harvey, en juin 1947, soit un peu plus d’un an après ses débuts d’acteur sous le mystérieux pseudonyme de Ferenc De Nostromo. Avec son ami, agent et maquilleur, l’énigmatique Jason, ex-chirurgien mis à l’index, il a conquis Hollywood avec fulgurance. "Vice et Versa" s’ouvre d’ailleurs en plein cocktail grandiose, à l’occasion de l’avant-première du nouveau long métrage tourné par De Nostromo : "The Wolfman of Salem".
Comme dans "Pile et Face", les références et clins d’œil sont multiples tout au long de l’ouvrage et font écho au récit : une actrice évoque Veronica Lake et Darryl Zanuck dès la première page ; le légendaire Boris Karloff (à qui le premier volet faisait allusion et dont Jason est fan) est mis en scène parmi le gratin de la profession présent lors de la réception et évoqué plus tard ; une réplique fait référence à Dr Jekyll et Mr Hyde ; la une du "Hollywood Reporter" affiche la reproduction d’une photo d’Alec Guinness pour le film "Great Expectations" de David Lean ; le bateau que conduit Harvey s’appelle « Broadway » ; une chanteuse de club s’appelle Jessi Babbit et a manifestement des airs de Jessica Rabbit (et donc aussi de Veronica Lake qui est l’une des inspirations du personnage de cartoon)… D’autre part, le héros évoque explicitement l’origine de son pseudonyme en avouant qu’il est « emprunté à un roman de Joseph Conrad », là où nous avions vu, dans notre critique du premier tome, une allusion au vaisseau de "Alien" (dont le nom est justement une référence à Conrad).
Esthétiquement, la BD fait le job, alternant le feutré, le solaire et le gore, mêlant habilement les atmosphères du polar, de l’horreur et du fantastique. Le scénario s’avère moins palpitant que prévu, surtout à cause de son insistance sur divers éléments, ce qui tue tout suspense puisqu’on devine aisément les ressorts du récit et les motivations des personnages. La fin est également décevante, avec cette accélération et une conclusion qui se montre certes plus surprenante mais également trop abrupte. Malgré tout, ce diptyque s’en sort plutôt bien et n’est pas dénué d’intérêts. Mais on se dit que, bien que la thématique de la dualité justifie le choix de deux tomes, cette histoire aurait pu gagner en subtilité et en profondeur si elle avait été étalée sur trois volumes, ce qui lui aurait aussi permis de mieux diluer les pistes et de préserver le suspense.
Informations
Références bibliographiques : Serge Le Tendre (scénario) et Gaël Séjourné (dessins et couleurs), "La Peau de l’autre", tome 2 "Vice et Versa", collection « Grand Angle », Bamboo Édition, 2022