Festival Que du feu 2024 encart

DOSSIERLivre

ABUS DE BOUQUINS : Cinéramdam

Quiconque regarde des films sait à quel point on retrouve régulièrement, d’un film à l’autre, certaines situations ou répliques plus ou moins clichées, au point d’en rire parfois, même s’il n’y a pas de tonalité humoristique. Fluide Glacial vient justement d’éditer une bande dessinée exploitant les ressorts comiques de ces stéréotypes du 7e Art : "Cinéramdam", de Witko et Karibou.

Le principe de cette BD est simple : s’emparer d’un cliché cinématographique et le détourner, sur une à trois pages, au service des zygomatiques. Ce concept n’est évidemment pas inédit, le cinéma ayant déjà donné lieu à d’innombrables parodies, à l’écran, sur scène ou sur papier. Rien qu’en restant du côté des BD de Fluide Glacial, on ne peut s’empêcher de repenser à certaines planches du grand Gotlib, dont l’œuvre était très inspirée par le cinéma et y a très souvent fait référence, par exemple dans sa mythique série "Rubrique-à-brac".

Si se moquer des clichés n’est donc pas nouveau, on a toujours plaisir à accueillir de nouvelles propositions et celle-ci joue à fond la carte du décalage, avec un résultat toutefois très irrégulier. Certains gags tombent en effet à plat, comme « J’ai mis mes meilleurs hommes sur le coup », « Le chien qui fait gagner le tournoi » ou « La belle et le bête ». Heureusement, la majorité des gags provoque un rire franc, même quand les chutes sont prévisibles.

© Fluide Glacial

Tous les genres y passent, des films historiques aux polars en passant par les films de guerre, les romances ou la science-fiction. Si l’on identifie ponctuellement un film précis (comment ne pas penser à "Rambo" avec la page « C’est pas ma guerre, colonel » ?), la plupart des idées reprennent des clichés tellement répandus qu’ils concernent des dizaines ou des centaines de longs métrages. C’est d’ailleurs en grande partie les stéréotypes les plus répandus qui donnent lieu aux meilleurs gags.

Ainsi, parmi les pages qui déclenchent plus facilement l’hilarité, figure « Ladies and gentlemen, le coupable est… », qui se moque allégrement de l’archétype du détective génial, « Et en français ? », qui ironise sur ces répliques incompréhensibles qu’un héros demande de traduire en langage compréhensible par tous, « Film d’horreur : comment ne pas se séparer », qui joue avec bonheur sur la polysémie d’un mot, ou encore « Le soldat et la fiancée est restée au pays », où le sort des personnages devient absurde.

C’est d’ailleurs le mélange d’absurdité et de fausses pistes qui produit généralement les meilleures pages : « La rencontre secrète dans un parking », « Semer ses poursuivants facilement dans la foule », « Un bar peu accueillant pour le héros », « Le monologue intérieur », « Le duel sous le soleil », voire « La femme poursuivie par des cannibales au fin fond du Texas ».

Au final, malgré les irrégularités, on passe un agréable moment à la lecture de cette BD, que l’on termine avec une envie de lire un deuxième tome.

Informations

Références bibliographiques : Witko (dessin) et Karibou (scénario), "Cinéramdam – Tous les clichés du cinéma", éditions Fluide Glacial, 2021

Raphaël Jullien Envoyer un message au rédacteur