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10 répliques de film cultes

Dans la série des "cultissimes" d'Abus de ciné, la rédaction récidive avec ses 10 répliques coup de coeur. Une sélection parfaitement partiale et forcément incomplète de phrases magnifiquement écrites, liées de toute évidence par un point commun indiscutable : celui d'être issues de grands films, placés haut dans notre podium cinéphile. A lire, découvrir ou réécouter !

 

“Paris est tout petit pour ceux qui s’aiment comme nous d’un aussi grand amour.“
Garance dans "Les Enfants du Paradis", de Marcel Carné (1945)

C’est probablement la réplique la plus connue du film "Les Enfants du Paradis" de Marcel Carné. Et pourtant, des répliques brillantes de justesse, on pourrait en compter bien plus puisque Jacques Prévert, auteur des dialogues, fait ici un travail merveilleux.
Quand Frédéric, joué par Pierre Brasseur, aperçoit Garance (Arletty) dans la rue, il court pour la devancer et ensuite venir à sa rencontre. Débute entre eux un jeu de séduction et Frédéric demande à la jeune femme où la revoir, prétextant que Paris est grand. C’est là que Garance prononce avec malice « Paris est tout petit pour ceux qui s’aiment comme nous d’un aussi grand amour. ». Hors de son contexte, cette jolie phrase peut paraître des plus romantiques, mais ramenée à la situation de grossière séduction dont Frédéric fait preuve, ici Garance se rit de son prétendant en exagérant leur amour. Frédéric utilise leur rencontre faussement fortuite pour y voir là un signe d’amour, Garance se sert des arguments de Frédéric pour mieux l’éloigner et le laisser en plan.
C’est ainsi que Prévert, dans toute sa finesse, nous donne à voir une magnifique réplique aussi subtile que cruelle.

Anne-Claire Jaulin

“I'm gonna make him an offer he can't refuse.“
“Je vais lui faire une offre qu’il ne refusera pas.“

Don Corleone dans "Le Parrain", de Francis Ford Coppola (1974)

D’après un sondage effectué par la société britannique de location de films Lovefilm auprès de 1500 de ses clients, "Le Parrain" est le grand classique que tout le monde prétend avoir vu, la plupart du temps à tort. Pour crédibiliser leur mensonge, les personnes concernées n’hésitent d’ailleurs pas à citer cette célèbre réplique, décelable en deux clics sur le web.
Il faut dire que pour tout ceux qui ont vraiment vu le film, cette phrase lancée par Marlon –Don Corleone- Brando dès les premières minutes du film fait l’effet d’une bombe à retardement. Le jour du mariage de sa fille, alors que le Parrain accueille dans son bureau un défilé de personnes venues lui exprimer leurs doléances (conformément à la tradition sicilienne), il reçoit la demande du crooner Johny Fontane d’user de ses influences pour contraindre un producteur à lui confier un rôle à Hollywood. Don Corleone se montre alors plus que rassurant en lui répondant qu’il fera au producteur « une offre qu’il ne refusera pas ».
Tout est dit, et avec élégance ! On ne le connaît que depuis quelques minutes, et il paraît déjà clair que ce parrain de la mafia a les arguments nécessaires pour obtenir absolument tout et n’importe quoi...

Sylvia Grandgirard

“T’es tout seul dans ton petit costume, pour me parler comme ça.“
Bouly dans "Nous irons tous au paradis", d’Yves Robert (1977)

Les films de potes, quand ils sont réussis, sont toujours un formidable vivier de réparties savoureuses. Très faciles à placer dans une discussion, elles connaissent souvent une seconde vie dans les soirées entre amis, perpétuant leur vocation première : faire marrer les copains.
Le cinéma français a toujours excellé en la matière, que ce soit Jeanson, Prévert et Guitry avant guerre ou Audiard, la troupe du Splendid et les Nuls plus tard, chacun a largement enrichi nos lexiques personnels de petites expressions chéries. Plus discret que ses comparses mais tout aussi talentueux, Jean Loup Dabadie signa les dialogues et le scénario de deux films mythiques en la matière : "Un éléphant ça trompe énormément" et sa suite "Nous irons tous au paradis".
Aussi touchant que drôle, ces deux films retracent les déconvenues de quatre copains inséparables – Etienne, Daniel, Simon, Bouly – qui ont chacun leur particularités. Cette merveilleuse galerie de portrait offre à Dabadie l’opportunité de varier les genres et de jouer sur quatre tableaux différents. Les bons mots fusent de toutes part, jouent avec les lignes dans un « double messieurs » exaltant. L’apothéose étant cette scène du court de tennis où, excédés par le bruit des avions qui décollent à 100 m du terrain, chacun craque, évacuant ses rancœurs dans une joute verbale inoubliable.
La tension monte et, avant d’échanger des coups autrement qu’avec une raquette, Bouly conclura avec cette phrase sans appel « T’es tout seul dans ton petit costume pour me parler comme ça ! »… À voir ou revoir sans modération.

Gaëlle Bouché

“Looks like I picked the wrong week to quit sniffing glue.“
“C’était pas le bon jour pour arrêter de sniffer de la colle“

Steve McCrosky dans "Y a-t-il un pilote dans l’avion ?", de Jim Abrahams, David Zucker et Jerry Zucker (1980)

Superviser la tour de contrôle de l’aéroport de Chicago n’est déjà pas chose facile, mais le faire alors qu’un avion se présente, dépourvu de pilotes pour cause de poisson avarié, relève du miracle. C’est pourtant ce qui attend Steven McCrosky (Lloyd Bridges), véritable boule de nerf qui essaye désespérément de retrouver une vie saine en se sevrant de toutes ses addictions.
Mais comment tenir ses bonnes résolutions quand l’avion en perdition est alors aux mains d’un ancien pilote de chasse, à présent phobique en avion ? Comment rester calme quand on est secondé par le roi de la blague et un expert pessimiste ? Comment ne pas craquer quand on est contrôleur aérien dans un film des ZAZ ? À bien y regarder, Steven McCrosky est certainement le personnage le plus crédible de cette petite merveille déjantée qu’est "Y a-t-il un pilote dans l’avion ?", vu que c’est l’un des seuls qui se soucie réellement des conséquences.
Proche du burn-out, son personnage, poussé au summum de sa caricature, intervient régulièrement, façon running gag, avec ses mythiques expressions « C’était pas le bon jour pour arrêter… ». La clope, l’alcool, les amphétamines et la colle le projettent au final dans un nirvana provisoire où, pendu au plafond, tête en bas et le sourire béat, il retrouve enfin la sérénité. Il rejoint alors les autres personnages dans un univers décalé, savoureusement loufoque, qui à l’inverse de « l’église de la conscience inconsciente » compte, encore aujourd’hui, moult fanatiques.

Gaëlle Bouché

“For no one – no one in this world can you trust. Not men, not women, not beasts. [Point to sword] This you can trust.“
“Car à personne, personne en ce monde tu ne dois te fier. Ni aux hommes, ni aux femmes, ni aux bêtes… [Il désigne l’épée] A ceci tu dois te fier !“

Conan dans "Conan le barbare", de John Milius (1982)

Cette réplique, assénée par son père à un tout jeune Conan, fait suite à un monologue sur la création du monde et le secret de l’acier. Le film vient tout juste de démarrer, et l’on comprend rapidement que cette assertion va conditionner toute la vie future du héros, de son rapport à la figure du père comme à l’importance de l’acier. Car contrairement aux hommes, volontiers trompeurs, l’acier ne ment jamais. Il est.
Elément immuable, capable de donner la vie (le dieu Crom qui le légua aux humains) et de la reprendre (une épée, instrument de mort). C’est le secret de sa confection, et du mystère l’entourant, qui intéressera le tyran Thulsa Doom. Et qui causera également sa perte, lorsque l’enfant devenu esclave puis guerrier parviendra à en acquérir le secret, au terme d’une véritable Odyssée, l’Odyssée de Conan le Cimmérien.

Frédéric Wullschleger

“Carpe diem” et “Oh Captain, My Captain
“Oh Capitaine ! Mon Capitaine !”

Les élèves du Professeur Keating dans "Le Cercle des poètes disparus", de Peter Weir (1989)

Si beaucoup retiendront de ce film la légendaire locution latine, « Carpe diem », incitant une jeunesse à vivre dans l'instant, à profiter du jour présent, c'est à la scène de fin du "Cercle des poètes disparus" de Peter Weir, que j'ai choisi de m'intéresser. Suite au suicide d'un des élèves, contraint par son père d'abandonner sa vocation dans le théâtre, le professeur de littérature, M. Keating, bien peu orthodoxe dans ses méthodes, est remercié. Lors de la dernière scène, alors qu'il vient récupérer ses affaires, les élèves se lèvent un à un, montent sur leur bureau, lançant un « Oh Capitaine ! Mon Capitaine ! » vers cet homme qu'ils admirent pour leur avoir enseigné la curiosité, la libre pensée, et la nécessité de vivre au jour le jour.
Face à ces adolescents sur le point de devenir des hommes, et de faire des choix qui détermineront l'adulte qu'ils seront plus tard, le professeur, les larmes aux yeux, leur répond avec bienveillance : « merci messieurs... merci ». Se clôt ainsi cette scène qui vous emporte, sur fond d'une sublime musique signée Maurice Jarre, par un plan sur le regard d'Ethan Hawke, meilleur ami du défunt, les yeux embués. Film étendard, ayant marqué en France l'année cinématographique 1990, « Le cercle des poètes disparus » a forcément une résonance particulière chez les adolescents, car il incite à suivre sa propre voie, quels que soient les chemins tout tracés par ses parents ou par le système éducatif. Empreint des textes de Walt Whitman, dont le titre d'un poème a ainsi servi de réplique fondatrice, il s'agit en tous cas du film m'ayant donné l'envie de cinéma qui me dévore depuis. Et il méritait bien cet hommage de quelques lignes.

Olivier Bachelard

“I just can't listen to any more Wagner, you know...I'm starting to get the urge to conquer Poland.”
“Quand j’écoute trop Wagner, ça me donne envie d’envahir la Pologne.“

Larry Lipton dans "Meurtre mystérieux à Manhattan", de Woody Allen (1993)

Maître incontesté du verbe qui fait mouche, Woody Allen est un gros fournisseur de répliques cultes. Rappelons qu’avant de faire du cinéma, il débuta comme auteur d’histoires drôles pour la presse new-yorkaise puis de sketches pour humoristes. Dans "Meurtre mystérieux à Manhattan", qui marque en 1993 ses retrouvailles avec Diane Keaton, il s’en donne à cœur joie. Tous deux forment à l’écran un couple de retraités intellectuels qui, suite au soudain décès de leur voisine, se mettent à nourrir des soupçons à l’égard du mari et se transforment en enquêteurs du dimanche.
Comme dans tous leurs films où ils ont partagé l’écran, le couple détonne par ses divergences de caractère et de comportement. On les voit sortir d’une salle où a été donné un opéra de Wagner, avant la fin du spectacle. Pour s’excuser auprès d’une Diane Keaton exaspérée, Woody Allen a cette phrase culte : « Quand j’écoute trop Wagner, ça me donne envie d’envahir la Pologne ». Un argument d’autant plus hilarant que personne n’ignore la confession juive du cinéaste et sa tendance maladive à exploiter ce filon pour le tourner en dérision.

Sylvia Grandgirard

“Ça va couper chérie“
Les projectionnistes dans "La Cité de la peur", de Alain Berbérian (1994)

Parmi les nombreuses répliques cultes de "La Cité de la peur", le fameux « ça va couper chérie » n'est certes pas la boutade la plus drôle du film, ni le seul « running gag » (rappelez-vous de « prenez un chewing-gum Emile », de « j'suis hyper content » et des multiples tentatives de « on ne peut pas tromper une fois mille personnes... »). Mais cette réplique a un avantage indéniable : celui d'être prononcé par quatre personnages différents : les projectionnistes victimes du serial killer.
A chaque fois, le décalage entre le ton utilisé et la scène elle-même crée le comique de situation. Tchéky Karyo, d’abord en pleine dispute téléphonique, passe d’un ton colérique et macho à une voix presque mielleuse alors qu'il fait face au tueur ; Daniel Gélin minaude d’abord au téléphone puis demande au tueur, de façon froide, d’attendre « une seconde » avant de prendre conscience que « ça va couper » ; Jean-Pierre Bacri prononce la phrase de façon très détachée avant de s’inquiéter pour le tueur qui a coincé sa faucille et « aurait pu [se] blesser avec ce truc ». Quant à la quatrième victime, jouée par Eddy Mitchell, la réplique intervient dans l’hilarante scène « entièrement bruitée à la bouche » ; c’est donc Dominique Farrugia qui bafouille un « ça va trancher chérie » (parce que « c’est pas un full-time job » pour lui), ajoutant ainsi une sorte d’autodérision vis-à-vis du jeu de mots volontairement lourdingue sur la polysémie du verbe « couper ».
D’ailleurs, comment ne pas voir aussi dans cette réplique un clin d’œil au spectateur (et au thème du film qui se déroule pendant le festival de Cannes) : « attention les chéris ça va couper »... donc on passe à la scène suivante pour enchaîner sur d'autres gags.

Raphaël Jullien

“In case I don't see you : good afternoon, good evening and good night.“
“Au cas où on ne se reverrait pas, une bonne soirée et une excellente nuit.“

Truman Burbank dans "The Truman Show", de Peter Weir (1998)

Laissons rapidement de côté la traduction française de cette réplique, moins intéressante car partielle et variable selon les scènes et selon la version (doublée ou sous-titrée). Cela donne grosso modo : « Au cas où on ne se reverrait pas, une bonne soirée et une excellente nuit » (la mention de l'après-midi n'étant respectée que lorsque des spectateurs japonais répètent péniblement la citation !).
Intéressons-nous plutôt à la réplique originale, qui peut paraître simple voire simpliste, mais qui pourrait pourtant résumer à elle seule le film dont elle est tirée. En elle, transpire tout d'abord le caractère de Truman Burbank : un mélange de gentillesse, de facétie et de candeur qui fait de lui la victime idéale de l'émission de télé-réalité dont il est la star sans le savoir. L'aspect répétitif de cette phrase, la légère pause en son milieu et le rythme ternaire de sa deuxième partie lui donnent aussi des allures de slogan ou de gimmick, qui servent à la fois la popularité du show fictif et l'efficacité du film lui-même en s'adressant, par le jeu de la mise en abîme, à la fois aux autres personnages, au faux public et aux vrais spectateurs que nous sommes, provoquant l'empathie envers Truman.
La signification de cette réplique est aussi un clin d’œil aux formules parfois pompeuses des animateurs télé ou radio, soulignant la vacuité et la superficialité de ce programme mais aussi son côté addictif. Enfin, elle agit comme une prémonition de la fin, où elle revêt alors une tout autre valeur quand Truman la prononce une dernière fois (notons que ce n'est pas tout à fait la dernière réplique du film puisque des faux spectateurs se demandent ensuite quel programme regarder). Si on ne se revoit pas...

Raphaël Jullien

“What's the most you ever lost on a coin toss?“
“C’est quoi le plus gros que vous ayez perdu à pile ou face ?“

Anton Chigurh dans "No Country for Old Men", de Joel et Ethan Coen (2007)

Voilà ce que demande Anton Chigurh (Javier Bardem) au gérant d'une station d’essence dans "No Country for Old Men". A cet instant-là, nous sommes au paroxysme des 22 premières minutes du film. Anton Chigurh, de ce qu’on en sait, est un tueur déterminé au regard fou. Sans état d’âme, il n’a pas vraiment laissé de choix à ses précédentes victimes, toutes tuées de sang froid et à bout portant avec un cattlegun (aiguille à air comprimé utilisée dans les abattoirs).
Tel le Diable incarné, il erre dans les paysages désertiques et sème la mort. Face au vieux gérant, il s'amuse à le faire parier contre son gré pour sauver sa vie. La question tombe, après un semblant d'échange entre les deux hommes, la caméra reste sur le gérant, éberlué pendant qu'Anton, le visage fermé, prononce lentement : «What's the most you ever lost on a coin toss ? ». Cette scène illustre parfaitement la métaphore évoquée par le chérif Bell au début du film : « I don’t want to push my chips forward and go out and meet something I don’t understand. A man would have to put his soul at hazard. » Remettre sa vie au hasard, ou au bon vouloir d'un tueur voilà parfois le choix auquel on devra faire face pour survivre.

Loreleï Colin-Moreau

 

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