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Deauville Asia 2011 : Jour 3 - Le festival décolle et atteint son apothéose grâce à l'Inde et à la Corée

11 mars 2011

Cette troisième journée a démarré sous le signe de la tragédie, suite à l’annonce d’un séïsme ayant lourdement frappé le Japon dans la nuit. Extrêmement sensibles à l’événement, les organisateurs n’ont pas manqué d’exprimer leur tristesse face à un public d’artistes et de festivaliers lui aussi particulièrement touché.

Pour en revenir au cinéma, le festival a littéralement fait un bond grâce à des films d’une qualité visuelle marquée, mais aussi d’un parti-pris scénaristique affirmé, voire extrême. En atteste la gradation de nos impressions tout au long de la journée, et notre enthousiasme pour les deux derniers films de la journée : "Udaan" et "J'ai rencontré le diable".

THE JOURNALS OF MUSAN
de Park Jungbum
(Compétition) + 1



Dans la série héros misérable contre le cruauté du monde moderne, voici “The journals of Musan”. Jeon Seungchull est réfugié de Corée du Nord. Avec son allure de léger attardé coiffé d’une coupe au bol fournie, il est la risée d’employeurs miteux qui l’exploitent. Même son seul ami s’avère très vite être une belle ordure. Ainsi, le décor d’une immense déchéance est ainsi posé. Le film est sobre autant que sombre et le réalisateur (qui tient par ailleurs le rôle principal) sait poser son histoire dans toute sa tragédie froide, tout en se permettant parfois un cynisme plutôt plaisant. Néanmoins le film manque d’éclat, et le fait qu’il soit précédé dans la compétition par trois films ayant la même fibre dramatique plonge les festivaliers dans une humeur des plus maussades. Heureusement, les films qui ont suivi ont su inverser la tendance et exalter l’audience.



BLADES OF BLOOD
de Lee Joonik
(Action Asia) 0



Film historique de la sélection Action Asia, "Blades Of Blood" de Lee Joonik est à l'image du gagnant du Lotus Action Asia de l'année dernière "The Sword With No Name" : plein de bonnes intentions, mais plombé par un manque de simplicité et une volonté de se prendre pour ce que le film n'est pas. Au 16e siècle, en Corée, le général Lee Mong-Hak, homme fort et idéaliste leader d'une alliance créée pour repousser les forces japonaises, va s'engager dans une quête visant à éradiquer la corruption dans son propre pays. Poursuivi par l'un de ses anciens compagnons, un sabreur aveugle, voulant venger la mort de l'un de ses amis, ainsi que du fils de ce dernier, le général Lee (ça ne s'invente pas...) va s'engager dans une spirale destructrice sans fin. Les scènes de combats fonctionnent plutôt bien, les rares doses d'humour font mouche, mais l'ensemble est plombé par des répliques pompeuses et une ambiance un poil prétentieux. Dommage.



BIRTH RIGHT
de Naoki Hashimoto

(Compétition) + 2



Pour son premier film, le réalisateur japonais Naoki Hashimoto nous aura prévenu : « Seulement 20% de ses spectateurs aimeront le film. Je ne fais pas des films pour divertir ». Entrée en la matière originale qui présage une projection difficile. Pourtant, « Birth Right » n’a absolument rien de repoussant, tant son auteur maîtrise habillement le langage cinématographique. Véritable film de captivité avec pour fond un problème de société important (dont Abus de Ciné ne vous révélera rien pour ne pas vous gâcher le film), « Birth Right » est également porté de bout en bout par l’incroyable jeu de ses actrices arrivant à faire passer un spectre important d’émotions. Succès logique et tonnerre d’applaudissements dans la salle… peut être dû à la présence des deux sublimes actrices. Des carrières à suivre.

NIGHT FISHING
de Park Chan-Wook et Park Chan-Kyong

(Panorama) + 2



Lorsqu’il se questionne sur ce qu’aucun autre grand réalisateur n’a jamais fait, Park Chan-Wook (« Old Boy ») trouve rapidement la réponse : tourner avec un nouveau moyen de captation, un IPhone. Si la curiosité autour de « Night Fishing » tient essentiellement du coup marketing du produit d’Apple et de la volonté de Park de l’utiliser, cet élément disparaît dès les premiers plans. Car contrairement à « The Silent House » de Gustavo Hernandez, « Night Fishing » n’a rien d’une farce technologique. Sa cinématographie imposante ressortant immédiatement, enchaînant des plans qu’il aurait pu tourner avec une caméra traditionnelle. Park le sait très bien, le médium n’est pas important, seul le langage compte. De plus, alors que nous aurions pu nous attendre à une énième histoire ultra violente, ce récit d’un pauvre pêcheur solitaire, simpliste et teinté de fantastique, montre que Park Chan-Wook est le seul maître à bord (avec son coréalisateur). 



UDAAN
de Vikramaditya Motwane
(Compétition) + 2

C’est la bonne surprise de la compétition, qui a donné lieu à la première standing ovation. Premier film d’un réalisateur indien de seulement 35 ans, “Udaan” raconte le retour d’un adolescent au bercail après avoir été exclu de son lycée. Il y rencontre son père, un homme d’une dureté sans nom, qu’il n’avait pas vu depuis huit ans et qui semble bien décidé à lui faire abandonner sa vocation d’écrivain pour le faire rentrer dans les rangs de son usine. Il fait aussi la connaissance de son petit frère, dont il ignorait l’existence, et avec lequel il partagera vite le calvaire d’un quotidien où aucune liberté n’est permise. Malgré une trame dramatique assez classique, “Udaan” surprend par son humour et sa légèreté bien placés, sa fraîcheur et son humanité. C’est aussi un film qui, pour une fois, donne à voir une Inde contemporaine, certes ancrée dans ses traditions, mais aussi fondée sur des valeurs telles que l’amitié ou la volonté de vivre sa vie comme on l’entend, hors de tout destin tracé. Un petit film généreux, porté par d’excellents acteurs adultes et enfants, et que nous aimerions bien voir repartir avec un prix.

J’AI RENCONTRE LE DIABLE
de Kim Jeewoon
(Panorama) + 4

Une partie de l’équipe d’Abus de ciné avait déjà découvert ce film à Gerardmer ; c’était donc au tour des festivaliers de Deauville, tard dans la soirée, de se prendre la claque de l’année. Ultra-sanglant, intelligent et rythmé, “J’ai rencontré le diable” pose une nouvelle pierre à l’édifice du film de Vengeance érigé par Park Chanwook avec sa trilogie des années 2000. La réalisation de Kim Jeewoon est virtuose, et ses diverses inspirations (Hong-Jin Na, Quentin Tarantino, Dexter ?...) font de ce nouvel opus non pas un énième thriller efficace, mais une oeuvre aboutie, infaillible et sans issue. Kim Jeewoon, auquel le festival propose un hommage cette année, a été décrit en propos liminaire de la projection comme le plus italien des réalisateurs de la nouvelle vague coréenne (composée entre autres de Park Chanwook, Bong Joon-Ho, Lee Chang-Dong et Im Sangsoo). Une chose est sûre : cet homme est passionné de cinéma, et son art s’affine avec les années.

Lire la critique de "J'ai rencontré le diable"

Anthony REVOIR Envoyer un message au rédacteur