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LES NOUVEAUX SAUVAGES

Un film de Damián Szifrón

Mémorable

Dans un avion, les passagers découvrent un à un qu’ils connaissent la même personne, un homme qui fut autrefois leur ennemi ou leur souffre douleur…

L’unique film d’Amérique latine présent cette année en compétition au Festival de Cannes n’a pas manqué de faire sensation, même s’il est au final reparti bredouille de la Croisette. Tout droit venue d’Argentine, cette série de petites histoires au cynisme affirmé mêle style percutant et fond, approchant les colères faciles engendrées par le monde moderne et son quotidien stressant,comme autant de motifs pour créer des récits défouloirs parmi les plus jouissifs.

Rien que la scène d’ouverture est en soi un moment d’anthologie. Vengeance d'un souffre douleur qui embarque tous ceux qui l’ont fait souffrir dans un avion, le sketch joue des coïncidences en apparence au début fortuites, au travers de dialogues orduriers qui donnent envie au spectateur de donner raison à la victime de départ, que l’on ne verra jamais.

tout en délivrant son lot d’humour noir et en poussant le bouchon très loin. A partir de là, le principe du scénario est simple, reposant sur la revanche possible de tous ceux qui ont eu à subir des trahisons, humiliations, ou injustices. D’une vengeance savamment orchestrée à une autre plus spontanée, c’est toute la mesquinerie de l’être humain et son sadisme réprimé qui se fait jour au travers d’un scénario défouloir. Car si chacun se posait intimement la question (« et si, alors que vous êtes victime d’une injustice ou d’une humiliation, vous laissiez vos pulsions de violence prendre le dessus ? »), et si les barrières morales et sociales pouvaient aisément être franchies, la paix sociale serait bien lointaine.

Produit par la société de Pedro Almodovar, « Les nouveaux sauvages » permet ainsi à ses personnages de dépasser les limites du raisonnable, et de réellement « péter un cable », en toute impunité. Il en va ainsi d’une serveuse confrontée à celui qui a provoqué le suicide de son père, de deux conducteurs qui s’insultent l’un l’autre (certainement la scène la plus aboutie, d’une extrême sauvagerie), d’un homme dont le véhicule a été enlevé par la fourrière par erreur, d’un mari dont la femme a été renversée par un chauffard, et d’une mariée qui découvre lors de ses noces qu’elle a été trompée.

Partant sur les chapeaux de roues, le film souffre tout de même d’une baisse de rythme avec le passage chez les gens riches tentant de convaincre leur gardien de se dénoncer à la place de leur fils. Porteur d’un discours sous-jacent sur le fait que la violence peut être autant morale que physique, Damian Szifron dénonce également au fil de son long métrage les conséquences d’un individualisme forcené, les arrangements faciles avec la morale, les inégalités de richesse et la corruption généralisée. Une comédie aux accents très noirs, qui offre une triste parabole sur l’état de la société argentine, mais propose une sympathique note d’espoir finale. Jouissif, tout simplement.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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