YOUSSEF SALEM A DU SUCCÈS
Un discours rare sur le rapport aux racines
Youssef Salem connaît enfin le succès avec un roman. Il donne des lectures et est même invité sur des plateaux de télé. Mais lorsqu’il rend visite à ses parents, il est hors de question pour lui de parler de son livre, dont il garde la publication secrète. Mais ses frères et sœurs l’ont lu, et malgré ses démentis, se sont tous reconnus. Ils lui en veulent…
"Youssef Salem a du succès" s’ouvre sur une quinzaine de minutes du roman, rendues à l’image tel un film, aux élans un peu trop romantiques pour sonner juste, permettant d’introduire une partie des obsessions de l’auteur, alors qu’il est en réalité en train de donner une lecture. Obsession pour les filles, assimilation de la sexualité avec le danger et la honte, description cynique d’une famille modèle « où tout le monde baisait, mais sans en parler », tout y passe, avant de trouver naturellement écho dans une réalité pas forcément si proche. Offrant ainsi un miroir sur la part d’autobiographie de toute oeuvre, le scénario cosigné par la réalisatrice Baya Kasmi et par Michel Leclerc ("Le Nom de gens") livre de plus de beaux éléments de réflexions sur le rapport a la célébrité (c’est une spirale de succès qui attend en effet le personnage...), mais surtout sur le rapport aux racines familiales.
Clairement orienté comédie, le film étrille au passage les médias polémistes, les garants bien pensants d’un « thermomètre de l’arabité » et la prétention mal placée (le personnage joué par Lyes Salem est particulièrement croustillant). Les situations convoquant les personnages secondaires sonnent toutes justes, de la tendre scène à la boulangerie avec le frère mal considéré (Oussama Kheddam), à l'engueulade avec sa sœur en voiture (Melha Bedia elle-même), ou la complicité avec l’agent artistique (Noémie Lvovsky dans un rôle à sa hauteur). Mais l’atout du film est incontestablement Ramzy Bedia lui-même, qui n’a jamais été aussi remarquable dans un rôle dit « sérieux », et dont le personnage respire grâce à lui la tendresse pour les membres de son clan et le détachement serein par rapport à son propre mode de vie. Il achève de faire du film une comédie de laquelle affleure l’émotion à quelques moments clés, dont une fin qui affirme clairement l’existence d’une vocation pour l’écriture.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur