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YOU’RE NEXT

Un film de Adam Wingard

Belle famille, je vous hais !

Une réunion de famille tourne au cauchemar lorsqu’ils sont pris d’assaut par un groupe de tueurs portant des masques d’animaux. Mais les événements ne se dérouleront pas comme prévu, tant pour les membres de la famille que pour les assassins. Qui sont les proies ? Qui sont les prédateurs ? Pas forcément ceux que l'on croit…

Adam Wingard (qui a depuis participé à l’anthologie, encore inédite, "The ABC’s of Death") fait parti de cette catégorie de réalisateur généreux et sincère avec son publique. Ce cher monsieur a réussi l'exploit de dépoussiérer les codes du cinéma de genre (ici, le home invasion) pour les prendre de revers et les détourner de façon futée et intelligente. "The Strangers", avec Liv Tyler, était le dernier bon exemple en date de ce type de film.

Partant d’un postula de base maintes fois exploité, son métrage avance en offrant moult situations toujours plus rocambolesques. Dès les premières minutes, le film débute sur la présentation de chaque protagoniste, leurs relations les uns envers les autres et le contexte qui les réunit. Immédiatement, nous sentons que nous ne sommes pas en présence d'un énième film pour adolescents biberonnés à la culture MTV, habité par des personnages lisses, voire tête à claque (quoique…), dont on se fiche éperdument et plongés dans une intrigue maintes fois vu, pour la plus part du temps bâclée. Pas de perte de temps, au bout de quelques minutes le cadre est posé, passons aux choses sérieuses. Dès que la première victime tombe (petit caméo bien amusant du réalisateur Ti West), la chasse à l’homme s’engage au sein d’un jeu bien pervers, douloureux et ultra divertissant.

Même si chaque protagoniste correspond à des clichés imposés par le genre (la copine sympa, la salope, le looser, l’ordure, la mère hystérique, etc…), chaque acteur qui les incarne réussit à les rendre attachant. Tout cela soutenu par des dialogues et des situations par moment totalement absurdes et croustillants. Cette sympathie ainsi développée se voit balader, manipuler d’un personnage à l’autre. La palme revenant à celui incarné par Sharni Vinson qui, partant d’un profil plutôt énervant, fini par surprendre tout le monde en se révélant être un prédateur sans le moindre remord. Son compagnon, un professeur d’université un brin idéaliste, la talonne de prêt. Les meurtres et autres accidents peuvent alors s’enchaîner avec un rythme effréné et avec certain second degré (le coup du mixeur restera dans les mémoires !).

Le réalisateur, dans un sens, reproduit ce que Wes Craven a su faire en son temps avec le premier "Scream", pour notre plus grand plaisir : dépoussiérer un genre qui s’était perdu depuis un petit moment et y accorder suffisamment d’attention et de respect pour y gagner ses galon d’œuvre quasi-culte (n’ayons pas peur des mots). Evidemment, ce genre de production n’est pas exempt de quelques défauts. Certains traits sont un peu trop appuyés et la mise ne scène manque un peu d’énergie par moment. Mais les multiples surprises et astuces qui nous sont offertes, ainsi que la bonne humeur générale, réussissent à gagner notre sympathie. Ça cabotine à tous les étages, mais dans le sens positif du terme. Impossible de ne pas être séduit par tant de sincérité.

Donc oui, "You're Next" est un métrage jouissif, cinglant et parfaitement mené jusqu'à la toute fin. Lors de sa présentation au Festival de Gérardmer (d’où il repartira avec le Prix du Jury Syfy), le spectateur averti n'est pas resté insensible à ce petit film et l'enthousiasme flagrant en fin de projection a parlé de lui même. Il est respectable de constater qu’il existe encore des réalisateurs qui ne cèdent pas aussi facilement aux sirènes du conformisme et qui continue de faire avancer le cinéma de genre. Adam Wingard n’invente pas l’eau chaude, mais réussit à se faire une bonne place au milieu des réalisateurs dont on meurt d’envi de connaître le prochain effort. Et ça mes amis, ça fait plaisir !

Sylvain LaurentEnvoyer un message au rédacteur

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