YO, IMPOSIBLE
À corps et à cris
Alors que la jeune Ariel ressent d’intenses douleurs après son premier rapport sexuel, elle doit aussi faire face au cancer en phrase terminale de sa mère et à l’arrivée d’une troublante nouvelle collègue dans l’atelier de couture où elle travaille…
Contrairement à un film argentin de 2009 dont nous tairons le titre (afin de ne rien gâcher pour celles et ceux qui ne l’auraient pas vu), "Yo imposible" nous permet de comprendre très rapidement que le personnage principal a un problème avec sa propre identité de genre – le seul suspense sur ce point étant de savoir s’il s’agit d’un être transgenre ou intersexe. La faute incombe à un choix très regrettable de mise en scène qui consiste à parsemer le montage, dès le début, de témoignages face caméra d’individus ayant un vécu similaire. Outre le fait d’annihiler toute surprise, cette option de réalisation a tendance à transformer le film en un long spot militant pour défendre la cause des personnes transgenres ou intersexes.
La démarche est évidemment louable, mais cet artifice alourdit la fiction, du moins à cause de l’utilisation de ces témoignages aussi tôt dans l’histoire. Patricia Ortega aurait été plus avisée de préserver cela pour la dernière partie – car la scène de rencontre entre Ariel et toutes ces personnes s’avère finalement puissante et émouvante. C’est d’autant plus regrettable que la réalisatrice fait par ailleurs preuve d’une grande minutie dans sa façon de filmer ses protagonistes, avec des plans très travaillés qui utilisent magnifiquement le décadrage et la faible profondeur de champ avec rattrapage de point (quoique de façon un peu trop systématique), afin de signifier l’isolement ou l’impossibilité de se sentir bien dans son propre corps. On pourra aussi apprécier la symbolique des mannequins détériorés ou désarticulés, de la machine à coudre, ou encore de l’utilisation par la mère du pronom « usted » lorsqu’elle s’adresse à sa fille (guère transposable en français, où le vouvoiement ne provoque pas le même trouble).
Ainsi, malgré les regrets initiaux et quelques autres maladresses de mise en scène plus mineures, "Yo imposible" est un très beau film sur l’identité de genre, qui revêt même un chouïa d’optimisme malgré la gravité dramatique de l’ensemble. Porté par ses trois actrices principales, ce long métrage finit par toucher. En dénonçant la tyrannie sociale face aux minorités, il livre aussi un discours sur le statut des femmes dans la société vénézuélienne, par exemple à travers cette réplique à double sens de la mère : « Une femme sans homme est une femme incomplète ».
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteurBANDE ANNONCE
Yo, Imposible / Being Impossible – Official Trailer from Patricia Ortega on Vimeo.