YELLOW CAT
Attention voyage cinéphile en terre francophone
Kermek a un talent : imiter Alain Delon dans « Le Samouraï« . Alors qu’il tente de reprendre sa vie en main en sortant de prison, il se fait rattraper par un policier corrompu à la solde d’un mafieux usurier fou. Mais Kermek a un rêve : ouvrir le premier cinéma des hauts plateaux, et il ne compte pas laisser qui que ce soit lui barrer la route…
Présenté à la 77e édition du festival de Venise, dans la section Orizzonti, "Yellow Cat" est un film résolument kazakh, mais aussi un film résolument tourné vers la France et son histoire du cinéma. En effet, dès la caractérisation du personnage, deux icônes du cinéma français sont convoquées : Jean-Pierre Melville et Alain Delon. Mais les références ne s’arrêtent pas là, en témoignent un étrange mafieux dont le mot de passe du wifi, l’attitude et les répliques rappellent un certain karatéka belge qui a laissé sa trace dans le cinéma d’action, ainsi qu’un autre homme de main, qui lui de son côté cite sans cesse les plus grands rôles de Robert De Niro.
Voyage loufoque, ce film suspendu, assez bizarre, se construit autour d’une grammaire visuelle unique en son genre. Le film a un rythme assez lent, presque contemplatif. Les paysages y tiennent une grande part, et le scope leur donne toute leur extension, célébrant leur couleur et leur forme si surprenante pour le spectateur européen. Les paysages permettent d’isoler les personnages, de les enfermer dans un espace infini dont ils ne peuvent fuir. Les cadres participent également de ce procédé. En effet, les champs contrechamps sont construits sans repères visuels directs les rattachant les uns aux autres, de sorte qu’ils ne sont unis que par le montage et les lignes de regard. Cet aspect renforce l’irréalité et le côté universel du combat qui est mené par Kermek, un Don Quichotte moderne, qui fuit dans une barque solitaire, posée sur une mer de hautes herbes ballayée par les vents, Eva, avec sa Mercedes, qu’il rêve d’emmener dans un ailleurs...
Un très beau film, très touchant, qui marque la rétine, donne des envies d’air et de voyage, mais aussi l’envie de revoir les films de Charlot et de Keaton…
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur