WOODY ALLEN : A DOCUMENTARY
Passionnant et stimulant
Avec 46 ans de carrière et presque autant de longs-métrages, Woody Allen est certainement le réalisateur le plus prolifique de notre époque ; et aussi l’un des plus précoces. Avec ce documentaire riche d’anecdotes et de séquences d’archives (il a été réalisé en collaboration avec le cinéaste lui-même), on apprend ainsi qu’il était fournisseur de blagues pour la presse new-yorkaise pendant ses études, puis auteur pour humoristes de renom, avant de jouer ses propres textes sur scène. C’est là qu’il se fit repérer, malgré sa timidité maladive et les flops de ses spectacles, et se vit proposer de faire du cinéma. Il s’agit donc d’une véritable success story, empreinte d’une grande liberté créative et parsemée d’idylles mythiques, dont on retiendra principalement celles avec Diane Keaton (qui n’hésite pas à évoquer son alchimie professionnelle avec le cinéaste) et Mia Farrow, grande absente de ce documentaire pour des raisons évidentes (cf. l’affaire Soon-Yi Previn).
Outre un retour sur sa carrière féconde (qui s’attarde plus sur l’avant que sur l’après « Annie Hall »), ce documentaire apporte un éclairage intéressant sur le processus créatif du cinéaste. Il révèle ainsi de quelle manière Woody Allen conçoit depuis toujours ses scénarios (avec des bouts de papier, au réveil) et dirige ses acteurs (sans vraiment les diriger en fait). Pour multiplier les points de vue, le réalisateur Robert B. Weide (« Un Anglais à New York ») s’appuie sur le témoignage de nombreuses personnes, généralement membres de la famille ou professionnels du cinéma (dont le réalisateur Martin Scorsese, le chef opérateur Gordon Willis et une floppée d’acteurs et actrices connus). Ce parti-pris permet de dresser un portrait croisé inédit, tout en offrant un casting de rêve. Il révèle un cinéaste timide et solitaire, qui abhorre les mondanités mais qui, paradoxalement, impressionne les plus grandes stars d’Hollywood. On découvre aussi un cinéaste bourré de paradoxes, à la fois droit dans ses bottes (il est le seul maître à bord) et éternellement insatisfait (il reconnaît enchaîner les films dans l’espoir qu’au moins l’un d’entre eux soit bon).
Ce documentaire présente donc un bon équilibre entre biographie, filmographie et secrets de fabrique, prenant soin également de varier les modes explicatifs (témoignages, extraits de films, tournages). On pourra lui reprocher d’aller un peu vite en besogne sur toute la période post « Annie Hall » (film qui constitue un tournant dans sa carrière), mais la richesse générale du propos permet d’atteindre deux beaux objectifs : faire jubiler les fans de la première heure, et donner aux autres l’envie de s’intéresser à la filmographie du cinéaste. De quoi patienter gentiment avant la sortie en DVD d’une version intégrale deux fois plus longue.
Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur