WILDE SALOME
Un Pacino mineur sur les destins d'Oscar Wilde et sa pièce « Salomé »
Présenté hors compétition au Festival de Venise 2011, à l'occasion de la remise du Glory to the filmmaker award à Al Pacino, « Wilde Salome » (ou Wild(e) Salomé – sauvage Salomé, comme le suggère le générique de début) est un nouveau documentaire-fiction. Quinze ans après « Looking for Richard », présenté alors à Cannes dans la section Un certain regard, film qui s'intéressait au montage de la pièce Richard III de Shakespeare, l'acteur réalisateur se met une nouvelle fois en scène, mélangeant des moments des répétitions de la pièce, des extraits de quelques scènes d'une version filmée, tournées simultanément avec les mêmes interprètes, et construisant un parallèle avec la vie de son auteur, Oscar Wilde, visites de lieux ayant marqué sa vie, entretiens et archives à l'appui.
Pour mieux comprendre le dessein d'Al Pacino, il faut d'abord avoir une idée de la pièce elle-même. « Salomé » est une tragédie signée Oscar Wilde, écrite initialement en français (1891), puis traduite en anglais trois ans plus tard (Wilde s'étant en effet à l'époque retiré à Paris). L'histoire s'inspire d'un épisode biblique où Salomé, belle-fille du tétrarque de Galilée Hérode Antipas, qui demande qu'on lui apporte la tête de Iokanaan (Jean le Baptiste) sur un plateau comme récompense après avoir effectué la danse des sept voiles. Sarah Bernhardt devait interpréter la pièce, au Palace Theatre de Londres, où n'eurent lieu que des répétitions, puisque Lord Chamberlain la censura au motif qu'il était « illégal de représenter sur scène des personnages bibliques » (l'interdiction ne fut levée que quelques quarante ans après).
Wilde, homosexuel entretenait alors une relation avec Lord Alfred Douglas, qui est sensé avoir assuré la traduction anglaise de l'ouvrage. Il en est en tous cas crédité, même si les historiens pensent que Wilde, mécontent, l'aurait finalement reprise. Ce fut aussi à cette époque que débuta le procès de Wilde, lancé par le marquis de Queensberry, père d'Alfred Douglas. À son issue, le 25 mai 1895, Wilde fut condamné à deux ans de travaux forcés. La première de Salomé eut lieu à Paris au théâtre de l'Œuvre en 1896. La vie privée de l'artiste est donc fortement liée à l'évolution de son œuvre, et c'est ce que va tenter de démontrer Pacino dans son documentaire.
D'aspect initialement un peu désorganisé et fourre-tout, son film donne de plus en plus de place à la pièce, délaissant progressivement les apartés sur ses recherches concernant la vie d'Oscar Wilde (un voyage en Irlande sur les traces de sa famille, un résumé du procès...), pour émettre peu à peu la thèse du film. « Salomé », histoire d'une vierge tentatrice, serait une pièce qui résonne comme un avertissement, concernant les dangers de la sexualité, représentés ici par l'héroïne (Jessica Chastain – « The tree of life » - l'interprète de Salomé, à la fois pulpeuse et haineuse). Selon Pacino cette œuvre devient ainsi une œuvre prémonitoire pour Oscar Wilde, puisque c'est son homosexualité qui l'enverra aux travaux forcés. Le parallèle avec la tête coupée demandée par la belle en devient évident. Reste que « Wilde Salome » est un film inégal, dans lequel on apprend assez peu sur l'auteur, mais qui permet de remettre en perspective la pièce.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur