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WHITE NOISE

Un film de Noah Baumbach

Réflexion volontairement chaotique sur la culture de la peur

Jack et Babette et leurs quatre enfants, deux ados et deux petits, forment ce qu’on appelle une famille recomposée. Seul le petit garçon est le fruit de leur union. Dans le monde actuel, derrière l’opulence des supermarchés et l’impression de choix, se cache une sensation permanente de danger. La peur fait partie du quotidien et chacun a sa manière de la gérer. Mais le jour où un train déraille à proximité de leur ville et laisse s’échapper un nuage toxique, la panique n’est pas loin…

White Noise film movie

Sortie le 30 décembre 2022 sur Netflix

Adapté du roman "Bruit de fond" de Don Delillo (1985), "White Noise" en a dérouté plus d'un lors de sa présentation en ouverture du dernier Festival de Venise. Le réalisateur, Noah Baumbach ("Les Berkman se séparent", "Frances Ha"), dont c'est le troisième film d'affilée pour l'écurie Netflix, après "The Meyerowitz Stories" et "A Marriage Story", y dépeint la vie mouvementée d'une famille nombreuse américaine, dont le père, grand orateur, enseigne sur Hitler à l'université, et la mère cache sa consommation d'un mystérieux médicament. Confrontés à la menace d'un nuage toxique de couleur violette, ils doivent fuir, en voiture, comme des milliers d'autres habitants, même si le père n'est pas plus paniqué que cela.

Pour l’occasion, le réalisateur Noah Baumbach réunit deux de ses interprètes fétiches, Adam Driver et Greta Gerwig, faisant rapidement se craqueler la façade de petit couple modèle. Leurs caractères semblent en tous cas s’opposer face au danger. Greta Gerwig joue les cachottières, méconnaissable sous sa coupe blonde frisée, tandis qu’Adam Driver impressionne avec ses analyses et ses grandes tirades ramenant tout au totalitarisme (le cours croisé avec son collègue est bluffant du surréalisme...). Et le long métrage s’avère intense, à la fois par le rythme que la narration impose, passant de la chronique familiale plutôt légère (malgré les cauchemars du père…) au film catastrophe, avant de terminer dans le drame. S’ouvrant sur un cours sur le cinéma, montrant différents crashs, de voitures, camions, avions, de plus en plus imposants, le long métrage n’aura de cesse de dénoncer la culture de la peur et celle de la crise permanente, devenues presque un sujet de divertissement, au travers notamment des films comme de l’information en direct.

Bien entendu, personne ne pourra prétendre tout saisir du flot de sujets abordés, le metteur en scène s’amusant à changer de ton à permanence, aux moments où l’on s’y attend le moins. À partir des conséquences supposées d’une explosion de produits chimiques à proximité de leur ville, dont les retombées semblent de plus aléatoires, ce sont les familles du coin qui se transforment elle-mêmes en des migrants en leur propre pays, symboles de cette « crise » qui englobe tout. Et avec un certain brio, le scénario revient avec un humour assez noir sur la perte de l’innocence et de l’optimisme de toute une société, soulignant même que la foi n’est point une issue (la scène avec Barbara Sukowa en nonne qui « ne croit pas aux anges » est assez savoureuse). S’aventurer dans cette foisonnante histoire, qui allie suspense, ironie et politique, fustigeant le bonheur de façade baigné d'opulence et de consommation, soulignant la peur et le chaos qui s’auto-alimentent, tout en parlant du besoin de réinventer l’espoir, est au final une expérience réjouissante en soi.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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