WENDY
À qui s’adresse ce film ?
Près de chez Wendy, il y a un train qui passe. Un jour, son voisin, le jeune Thomas, monte dans ce train et disparaît. Wendy a tout juste le temps de voir une petit figure noire qui court sur le toit de ce train qui emporte son ami. Quand, quelques années plus tard, ce train et cette petite figure refont leur apparition, Wendy n’hésite pas. Elle réveille ses deux frères et tous les trois se lancent dans un bien étrange voyage…
"Wendy" est un prénom chargé de sens et d’une certaine mythologie, surtout quand il est associé avec un étrange petit garçon, une île mystérieuse et un voyage fantastique. La bande-annonce ne laisse pas de doute, "Wendy" est une nouvelle plongée dans l’univers de Peter Pan, au rythme de la voix de la petite fille.
Dans ce film, nombre des codes du récit de James Matthew Berry sont repris, tout en étant complètement réinventés. Peter est un petit garçon noir, Pan est un âne. Wendy est la petite cadette d’une fratrie dirigée par deux jumeaux. Ils ne viennent pas d'une noble famille anglaise où un chien leur sert de nounou. Ils ont au contraire grandi dans un diner le long d'une voix ferrée et ils n'hésitent pas à tous jurer comme des charretiers. Dans "Wendy", il n’y a pas de Clochette, de pirates, de sirènes ou d’Indiens. Le film fait preuve d’un étonnant réalisme. Et c’est là tout son enjeu : la magie existe dans le cœur de ceux qui sont prêts à la voir. Les autres n’ont pas leur place sur l’île. Ils n’ont pas leur place auprès de la « Mère ».
"Wendy" est une œuvre profondément personnelle qui se sert du mythe comme d’un fond et qui interroge, d’une certaine manière, les liens qui existent entre la capacité d’imaginer, la confiance en soi, l’insouciance et l’âge. Ainsi, la magie de l’enfance serait une manière de voir le monde et de se convaincre d’un certains nombres de choses, d’espérer. La vieillesse serait alors synonyme de résignation, de perte de confiance en soi et dans le monde. Une perte de confiance envers une « mère » qui ne peut vouloir de mal.
Une nouvelle fois, le monde de Peter Pan, ou plutôt ici, celui de "Wendy", constitue une réflexion sur ce que peut signifier grandir. La caméra virevoltante de Benh Zeitlin reste très proche de ces enfants pour étudier en détail leurs réactions et leur transformations. Elle tente, d’une certaine manière, de saisir ce qui se passe à travers leurs yeux et dans leur for intérieur. Comprenant vite que les enfants ne sont pas dupes, c'est comme si elle cherchait à comprendre pourquoi ils continuent à croire ? Ils ne pensent pas que la magie existe, et pourtant, ils font plus que « comme si », là où les adultes n’y parviennent plus, trop conscients d’eux-mêmes, trop emplis de pensées tristes.
Ici, le réalisateur (passé à la production sur "Give me liberty") revient à un style et des thématiques plus proches des "Bêtes du Sud sauvage", son premier film. On retrouve cependant son amour pour tous ces personnages, qu’il filme avec beaucoup de tendresse, sans jugement. Il ne les presse pas, leur laisse l’espace pour s’exprimer, pour réfléchir, pour se tromper et pour changer. Très riche en émotion, ce beau voyage initiatique, peut-être un peu long pour sa consistance, risque cependant d’être une œuvre qui va grandement peiner à trouver son public, aussi bien auprès des jeunes générations que des moins jeunes, la cible ne semblant pas clairement définie.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur