Festival Que du feu 2024 encart

WAVES

Un film de Trey Edward Shults

Les vagues de l’absolu

La vie de deux jeunes couples, marquée par la quête de maturité et les coups de cœur amoureux, bascule soudain, un soir de tragédie. Rien ne sera plus jamais comme avant…

Waves film image

Il est bien trop facile, pour ne pas dire totalement faux, de voir dans "Waves" un énième petit phénomène à la "Moonlight", surtout au vu d’un buzz critique insensé – donc sujet à méfiance – au dernier festival de Sundance. Dès sa scène d’ouverture, où la caméra opère des mouvements tournoyants pour filmer le bonheur d’un jeune couple, on sent déjà la différence. Point de dramaturgie illustrative à la manière du drame oscarisé de Barry Jenkins, pas non plus un balayage des corps digne de celui qui irrigue le cinéma de Terrence Malick, mais une vraie ronde d’émotions et de sensations, branchée sur une énergie interne inouïe. Le quotidien qui acquiert soudain un relief peu commun, comme pour amorcer un récit où les événements à venir auront une saveur et une intensité plus forte que la moyenne – c’est un euphémisme. Et surtout une entrée en matière dévastatrice, qui donne le ton de deux heures pleines à craquer, sublimées par un travail formel de premier choix (le chef opérateur est celui de l’excellente série "Euphoria"). Le résultat révèle surtout le talent de dramaturge de Trey Edward Shults, dont le récent "It comes at night" avait démontré la maîtrise visuelle au détriment d’un vrai potentiel émotionnel. Celui-là même qui fait aujourd’hui de "Waves" la grosse claque vantée ici et là à juste titre.

Le titre du film n’est pas juste une façon d’illustrer l’impressionnante force esthétique qui ne cesse de faire chavirer les phases successives de cette chronique familiale. Il désigne aussi cette narration qui doit tout de même se coltiner des sujets plus lourds tu meurs pour un film indépendant US (pardon, rédemption, culpabilité, incommunicabilité) et faire en sorte que l’enchaînement de drames qui puisse en découler paraisse le moins programmatique possible. La force du cinéaste est de fonctionner par aléas, tant visuels et musicaux que narratifs et thématiques. Facilement assimilable à un tempo guidé par de savantes variations, et structuré selon une logique bicéphale (deux histoires reliées en plein milieu par une scène-pivot), le montage de "Waves" emporte le spectateur dans un tourbillon où tout est vécu de façon plus viscérale qu’intellectuelle. Le spectre du pathos, la barque trop chargée, le too much tragique : tout ceci passe comme une lettre à la poste, noyé dans un écrin formel éblouissant et une valise de dialogues poignants qui touchent à l’universel. Un grand film, proche de l’état de grâce.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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