WALKYRIE
La chevauchée de Stauffenberg
Quand Bryan Singer retrouve son scénariste de « Usual Suspects », Christopher McQuarrie, pour mettre sur pied le projet « Walkyrie », les cinéphiles retiennent leur souffle. Deux talents qui se réunissent autour d'une histoire alléchante, cela promet : dans l'Allemagne nazie de la Seconde guerre mondiale, quelques hommes s'élevèrent contre la volonté conquérante et l'inhumanité d' Hitler et voulurent le tuer. Parmi de nombreuses tentatives d'attentats contre la personne du Führer (une quinzaine au moins), Singer et McQuarrie se sont intéressés à celle organisée autour du colonel Stauffenberg, personnage éminemment charismatique que le rouleau compresseur de l'Histoire a malheureusement laissé quelque peu derrière lui. « Walkyrie » se propose donc de réparer cette erreur en remettant au goût du jour la plus impressionnante et la mieux préparée des tentatives d'assassinats contre Hitler, et de souligner l'existence de mouvements de résistance parfaitement infiltrés au coeur même de l'armée allemande, prouvant ainsi que des officiers de la Wehrmacht s'étaient battus pour un idéal autre que celui du national-socialisme.
Finalement, Stauffenberg n'est pas si différent qu'on l'imagine des super-héros jusque là privilégiés par Singer dans « X-Men » puis « Superman Returns » : c'est un homme ordinaire poussé par ses propres valeurs – patriotiques, familiales, morales – à entreprendre une action extraordinaire. Le contexte seul change : de la fiction fantaisiste au poids de l'Histoire, et Singer y trouve une certaine cohérence, d'autant que son application à recréer les arcanes du IIIème Reich s'illustre à l'écran par un sens aigu du détail. En limitant la conspiration (attentat et coup d'État) à quelques personnages, dont Stauffenberg, Beck et Olbright, et en les suivant de très près, McQuarrie dans le texte et Singer par l'image parviennent à donner une excellente intensité dramatique à un sujet qui accusait, a priori, un certain nombre de difficultés – le fait, d'abord, que l'attentat aboutisse nécessairement à un échec; le principe opérationnel, ensuite, du coup d'État, qui nécessite de saisir correctement le fonctionnement de la machine étatique. L'entreprise réussit, parce que Singer nous fait véritablement partager la volonté de Stauffenberg (excellent Tom Cruise) et parce qu'il décrit avec minutie les complexes réseaux de communication entre gouvernement, armée et sections spéciales – le véritable enjeu politique du film.
Il manque toutefois, à ce très bon « Walkyrie », une bonne louche de coeur; il eut peut-être fallu approfondir le caractère de Stauffenberg en parallèle des coulisses du complot, et donner plus de place à la belle Carice Van Houten, injustement sacrifiée dans le rôle de la comtesse Stauffenberg; il eut peut-être nécessité, également, un regard un poil plus engagé – plus politisé – comme aurait pu le faire un Paul Verhoeven.
Eric NuevoEnvoyer un message au rédacteur